Agréablement, le film commence avec le bruit du vent. Catherine Deneuve marche sur une plage, pensive, élégante même de dos.
Emmanuelle Bercot nous offre un long et plaisant road-movie, rythmé par d'innombrables volutes de fumée, par des silences, par les kilomètres effectués par l'actrice au volant de ce vieux break Mercedes gold. Campant le rôle de Bettie, elle tient avec sa mère un restaurant dans le Morbihan, courant entre la salle et la cuisine où elle rectifie le tir en engueulant, élégamment, quelques cuisiniers étourdis. Et puis un beau jour, lasse de ce train-train quotidien, de l'omniprésence de sa vieille mère, Claude Gensac ( épouse à l'écran de Louis de Funès dans les années 60 et 70 ), elle lance à qui veut l'entendre un "je reviens". Elle monte dans sa voiture dorée et s'en va changer d'air, souffler, rouler, regarder. Elle aime les breaks, à la vie comme à la scène; elle fume beaucoup, à la vie comme à la scène. L'un des passages les plus touchants du film est celui où désespérément à la recherche d'une clope, elle croise le chemin d'un vieillard que le monde moderne a mis de côté, qui l'invite chez elle pour lui rouler cette fameuse cigarette avec toutes les peines du monde; Bettie observant le brave villageois, aucunement acteur de cinéma, veut tout faire pour contenter l'hasardeuse visiteuse et lui raconte timidement deux ou trois pans de sa morne vie. Ces quelques minutes ont des parfums de "Strip-tease".
Le road-movie continue, avec l'arrivée d'un petit fils, Charlie, qu'elle connaît à peine et avec lequel elle noue une jolie complicité. D'autres acteurs surprennent là encore, Camille, la chanteuse, qui joue le rôle de la fille de Deneuve, compliquée, torturée; Gérard Garouste, sculpteur taiseux mais efficace; Mylène Demongeot, que l'élixir du bonheur que Fantomas lui proposait jadis continue de la rendre souriante et attachante et même Evelyne Leclercq, la speakerine, un peu perdue dans cette histoire mais affichant la même joie de vivre que dans le décor rose bonbon de "Tournez manège".
Agréablement, le film se termine sur la vue d'un jardin ensoleillé et sur une musique toujours revigorante de Divine Comedy.