Film ardu, déclenchant une constante violence entre mer profonde et froide et air saturé de sang et de cris, de lumières fortes, l'intérêt premier de ce documentaire monstre venu d'Angleterre est d'abord un exploit esthétique. Parvenir à filmer avec autant de vérité, de puissance l'intérieur, les alentours d'un bateau de pêche et tout cela en 1h35 relève d'un défi de forme. La lumière est qu début très contrastées, les couleurs (le blanc surtout des mouettes) saturé au maximum, le son est un régal d'immersion, il fonds lentement entre toutes ces parties de bateau, on voyage entre l’écœurement, parfois l'admiration, l’incompréhension, et malaise constant. Le film se saisit de vous avec une force qui lui est propre. Le film évolue très bien, s'améliore même sur le temps en proposant des séquences rapprochées, penchées sur les hommes au travail, faisant de chaque partie du navire une vraie aventure sensorielle, confinant le spectateur dans un regard unique d'ouvrier, d'acteur de la machinerie. Cette même épave qui flotte, déversant ses relents de poissons rouges de sang, agite la mer, devient une sorte de créature (plans sous-marin de filets avant tout). Finalement, après qu'un homme se soit simplement endormi devant une télévision, on quitte la petite horreur de travail des ouvriers et on se met à l'envers, on voit les poissons littéralement voler, les mouettes avancées dans le vide; le dispositif est certes lourd et insistant, mais il va aussi bien avec son sujet, le grand monstre des océans, qu'il est nécessaire pour la fin, brisant le Goliath dans un élan poétique : après quelques plans magnifiques, le rêve devient possible. L'échappée de ce monde de travail fait de l'Homme un personnage de mer qui flotte en elle et peut dormir en son sein, on peut plonger dans la mer qui s'est ralentie sous les coups du sommeil, on retrouve les espaces des grands fonds, le grand noir de la nuit. C'est cette dernière apogée qui relance également ce pseudo documentaire (c'est presque muet, ça ne montre que des morceaux décousus) propulse le film or d'un simple film de transe, un simple film qui devrait tout à son esthétique barbare, le transforme en film profondément humain-inhumain et irréel.