Le cinéma allemand, même s'il n'est pas très flambard, est certainement le plus politique de tous les cinémas européens. Il aime gratter là où ça fait mal. Et là où ça fait très mal, c'est la Stasi. La RDA. Comme dans, par exemple, en 2012, l'excellent Barbara.
D'une vie l'autre, c'est la douloureuse histoire de ces jeunes norvégiennes qui sont tombées amoureuses d'un occupant allemand. Qui ont eu un bébé. Bébés que la Norvège a laissé partir dans des Lebensborn. Des enfants de vikings, ça en faisait de beaux aryens, bien blonds! La Stasi a eu l'idée diaboliques de renvoyer certains de ces enfants en Norvège, afin qu'ils espionnent pour le compte de la RDA; ou bien d'autres agents, en les faisant passer pour ces enfants expatriés. Certains ont alors, beaucoup plus tard, intenté une action en justice contre l'état norvégien, ce qu'a raconté une journaliste, Hannelore Hippe. C'est dans ce contexte historique que se situe le film de Georg Maas.
Vous inquiétez pas, pendant la première demi heure vous comprendrez que dalle. Maas a construit son film comme un thriller. Alors soixante pour cent de thriller, soixante pour cent de mélo, soixante pour cent d'histoire, ça donne.... cent pour cent de gâteau bien compact. De même, ce n'est pas forcément une très bonne idée que de filmer les scènes qui se situent en arrière dans le temps avec une vilaine pellicule toute brouillée.
Katrine (l'excellente Juliane Köhler) est l'une de ces enfants raptés, qui a eu la chance de retrouver sa mère. Cette mère, Ase, c'est Liv Ulmann qu'on est émus de retrouver -une vieille dame maintenant. Malgré les efforts de l'avocat (Ken Duken), elle est très hostile à l'ouverture de ce procès. Pourquoi? Bon ben, on vous l'a dit, c'est aussi un thriller.
Katrine est architecte, elle vit heureuse au bord de la mer, dans un endroit d'une sauvagerie absolue -mais la chaleur du foyer remédie à l'âpreté du paysage, avec Bjarte son mari capitaine de vaisseau, le très viking Sven Nordin... Couple toujours très amoureux, qui héberge aussi leur fille au ravissant minois de souris, Anne (Julia Bache-Wiig) et son bébé. Quatre générations de famille Ricoré sous le même toit. Le bonheur. Enfin, ce serait le bonheur si la Stasi n'avait pas toujours des agents en Norvège qui veulent naturellement que rien ne filtre au procès.
En dépit des réserves formulées plus haut sur une certaine patauderie de la mise en scène du film, on ressent très vite une angoisse sourde -on sent qu'il y a là quelque chose qui ne peut que mal se terminer. Puis, beaucoup d'émotion et d'empathie avec l'héroïne. Ce n'est pas l'ami Ricoré qui va arriver: c'est le Fatum, le destin, qui finit toujours pas vous rattraper.
Quand on voit les autres sorties..... c'est évidemment le film de la semaine, le film à aller voir cette semaine, dont on ne sort pas indemne -on en sort même très mal.