Il n’est pas très aisé de critiquer « D’une vie à l’autre » sans trop en dire, car les secrets que cache le personnage de Katrine se laissent deviner par petites touches tout au long du film. Si on est un peu attentif, on devine assez vite et assez facilement ce qu’elle peut avoir vécu. Là où c’est un scénario astucieux, c’est qu’on imagine tout d’abord tel secret, puis tel autre et on se rend compte au final que la réalité est encore bien pire ! L’explication finale, dans le dernier ¼ d’heure, met en place clairement toute la trame de son histoire mais on a déjà compris l’essentiel. Cela dit, l’absence de « grande révélation finale » n’est pas un défaut, c’est certes moins spectaculaire, mais c’est plus stimulant pour l’esprit. Le film se permet pas mal de saut dans le temps, un flashforward au début, puis plein de flash back par la suite, et c’est autant d’indices à mettre bout à bout par le spectateur, comme un puzzle. La réalisation est intéressante, les flash back sont filmés « à la 70’s » avec une image très « RDA » (c'est-à-dire horriblement laide) pour bien souligner le contraste avec l’action principale. Il y a de très beaux plans tournés sur les côtes de Norvège, qui m’a l’air d’être pays absolument magnifique, même si le climat ne fait pas très envie : il n’y a pas un brin de soleil et il y a tellement d’humidité dans l’air qu’on a l’impression s’avoir froid ! L’interprétation, Juliane Kohler en tête, est tout en sobriété et si le personnage de sa fille peut apparaitre un peu agaçant, les autres sont excellents et Liv Ullmann dans le rôle de la mère fait passer beaucoup de choses juste avec son regard. La fin du film est cruellement ironique, tout sauf spectaculaire, tout sauf inattendue et pourtant les dernières images sont terribles et donnent une note finale tragique qui reste dans l’esprit au sortir de la salle. Au rayon des petits défauts, on regrettera peut-être de rester un peu sur sa faim concernant les fameux « Lebensborn » et sur le destin des enfants concernés, dont il n’est question que de façon anecdotique au final alors qu’il y a matière à dire, j’imagine. On peut aussi trouver que le film flirte avec le pathos sur la fin, à l’heure des révélations, et que la psychologie l’emporte que les considérations politiques, géopolitiques, diplomatiques et morales du parcours de Katrine, alors que là aussi il y aurait surement beaucoup à dire, ne serais ce qu’à propos du métier de son mari par exemple… Mais ces petites lacunes ne sont pas rédhibitoires et ne doivent pas empêcher « D’une vie à l’autre » d’être vu par tout ceux qui aiment le bon cinéma intelligent et exigeant…