Adapter l'affaire de Musulin n'était pas en soi une mauvaise idée. Un personnage complexe, une histoire fascinante... sauf qu'il est trop tôt. Le fait divers est encore trop récent, Musulin est toujours en taule avec 2,5 millions d'euros dans la nature. En faire un film est donc un peu précipité alors qu'on a pas eu le fin mot de l'histoire que 11.6 est donc encore rempli d'interrogations, de questions sans réponses inutiles. Surtout que le film de Philippe Godeau n'est pas mémorable. Bizarrement, on fait rapidement le rapprochement avec Possessions, sorti l'an dernier sur l'affaire Flactif : un héros beauf, un fait divers marquant, un personnage principal tourmenté. Sauf que quoi qu'on puisse dire de Possessions, Renier était géant et son interprétation mémorable, surtout que le personnage s'y prêtait. François Cluzet interprète un personnage dont on sait très peu, et sûrement très faux (on a du mal à imaginer qu'un plan pareil est pu être monté par un beauf pareil...) - en plus Cluzet n'est vraiment pas très convaincant et devient vite plus agaçant que fascinant. Trop lisse, trop peu développé.
11.6 se contente de brasser sans intérêt le fait divers, répétant des intrigues mal écrites, des acteurs insupportables – si y a quelques passages plutôt bons et que la BO qui passe deux trois fois du M83 notamment ramène à Drive (dont on suit une inspiration évidente), on se rend compte rapidement que le film de Godeau ne se démarque que très rarement de son statut de film anecdotique. Aussitôt vu, aussitôt oublié. Tout ça sonne finalement très faux : on ne se prend pas d’affection pour le pauvre Musulin qui a dut se retourner dans sa prison après avoir vu le film. Godeau n’était peut-être pas le meilleur réalisateur pour ce 11.6 – certes loin d’être la catastrophe que peut le laisser suggérer cette critique pour le moment, mais très loin d’une réussite qu’on était en droit d’espérer de la part d’un tel sujet. 11.6 manque clairement de personnalité, la seule originalité qu’on pourrait lui trouver est celle du mystère qui est laissé en suspens pendant tout le film, mais au final ça se révèle bien d’avantage un défaut qu’une qualité. Ça donne l’impression d’un film pas terminé, comme si il manquait un pan indispensable du scénario, qui aurait été à la fois la résolution de l’intrigue et du personnage de Cluzet – bien fade, il faut le dire.
Y a quelques idées de mise en scène (de magnifiques plan-séquences) mais c’est vite éclipsé par le trou béant du scénario. La moitié des critiques se pissent devant la performance de Bouli Lanners que j’ai trouvé, à l’image du film, pas hors du commun, et il faut dire que Corinne Masiero est encore plus casse-bonbons que d’habitude. Passé cela, c’est formellement pas trop mal. On se sent un peu cons à la fin en tant que spectateur car on n’en sait pas plus qu’au début du film. Puis je retiendrais le fait que ça fait du bien de voir un film qui attire les 40-60 ans et de se retrouver dans une salle calme, respectueuse du matériau projeté à l’écran. On oubliera très vite ce 11.6, on espère que Cluzet fera de même. Pas divertissant car très souvent ennuyeux, prenant une heure à réellement démarrer et se finissant en queue de poisson, une réelle déception quand on sait l’intérêt que pourrait porter l’histoire de Tony Musulin. On attendra peut-être une dizaine d’années pour voir un nouveau film sur cette vie mouvementé, qui serait pour le coup sensiblement plus intéressant. En toute logique, de préférence à éviter.