"En général, le road movie montre deux compères qui quittent la ville et prennent la route en voiture, pour s'enfuir vers une destination mythique ou inconnue" : telle est la définition que donne Wikipédia du road movie. Bon, là, pas de doute, on est bien dans un road movie. Ensuite, les variables du genre sont la nature de la relation entre les deux compères, celle de la destination mythique et celle des rencontres aléatoires qu'ils vont faire, ainsi que la tonalité du film. Donc procédons dans l'ordre : les deux compères (au sens Francis Veber du terme, d'ailleurs) sont frères, ou plutôt demi-frères, ce qui justifie à la fois la proximité distendue entre eux, et la disparité physique entre le grand frère, escogriffe farfelu joué par Philippe Rebbot, et le petit, joué par une Nicolas Duvauchelle dont l'énergie est anesthésiée par le chagrin de la rupture.
Si la fin du voyage est annoncée dans le titre, les destinations mythiques sont doubles : la vallée viticole de la Cafayate, qui envoie le film sur une tonalité proche de "Sideways", et la Vallée de la Lune où Marcus rêve de trouver une météorite. Mais comme dans tout bon road movie, les choses ne vont pas se passer comme prévu, les rencontres vont modifier l'équilibre du binôme, et la dimension initiatique du voyage va permettre un basculement de la relation entre les deux frangins. Antoine, découvert vautré sur un charriot à bagages (ceux de son frère, les siens ayant été perdus) à la sortie de l'aéroport de Buenos Aires, va progressivement reprendre du poil de la bête, alors que son grand frère, investi de sa mission de Saint-Bernard, va lui perdre pied au fur et à mesure, révélant entre autres maux un syndrome de Stendhal. J'ai vérifié, ça existe, il s'agit d'une maladie psychosomatique déclenchée par une surcharge d'émotions.
Au fil de la route, le duo devient quatuor, avec l'adjonction de Gonzalo, le réceptionniste empathique de leur hôtel de Buenos Aires qui lui aussi a quelques secrets à cacher, et Gabriela, une jolie ex-étudiante en littérature française qui cite "La Chambre de Dorothée" de Baudelaire, "Bien loin d'ci, bien loin d'ici"... Malgré ses études, elle ne parle que quelques mots de français, et les deux frères étant le pur produit de l'efficacité de l'enseignement linguistique français, le comique du film repose aussi sur le sabir franco-hispano-anglais utilisé par les quatre protagonistes pour communiquer entre eux, et qui, adjoint à la personnalité lunaire de Philippe Rebbot, finit par donner une dimension burlesque au film.
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