En 2009, Cherien Dabis se révélait avec un très joli film : Amerrika. Elle revient aujourd'hui avec ce May in the summer où elle est devant et derrière la caméra (également scénariste et productrice). Un deuxième film moins fort et moins profond que le premier mais qui n'est pas dénué d'un certain charme. C'est aussi beaucoup plus léger, beaucoup plus...
Un film intéressant qui nous livre peu à peu son intrigue. May, une jeune femme de père américain et de mère jordanienne, et habitant à New-York, revient à Amman pour son mariage qui doit avoir lieu quelques jours (ou semaines ?) plus tard. May, qui est très occidentalisée, appartient de plus à une famille chrétienne (ce qui est assez marginal en Jordanie). Son futur mari, Ziad, professeur à l'Université de Columbia à New-York, est musulman ("non pratiquant") : il doit la rejoindre un peu plus tard. Il est clair que la perspective de ce mariage interconfessionnel est iconoclaste et Nadine, la mère de May et de ses sœurs Dalia et Yasmine, ne l'approuve guère. Mais ce séjour "auprès de ses racines" va être l'occasion pour May de réfléchir sur elle-même, sur son avenir et sa place de femme à la croisée de chemins multiculturels. C'est donc une chronique pleine de petits épisodes contrastés qui nous est présentée ici, parfois drôles, mais souvent graves, voire profonds. May en est le premier personnage, mais on découvre peu à peu que les autres protagonistes du film, sa mère, son père et ses sœurs, ont eux aussi des parcours pas toujours lisses et faciles. Il n'y a pas vraiment de conclusion et on ne sait pas trop à la fin ce qui va se passer pour eux tous, bien qu'on puisse quand même un peu l'imaginer. Les paysages jordaniens, en particulier ceux du désert, sont magnifiquement filmés. Je regrette toutefois le rythme un peu trop lent et lassant de ce film qui aurait mérité d'être un peu plus relevé.
Quelques bonnes idées dans ce film qui hésite entre un militantisme féministe et une bluette sentimentale, entre une chronique familiale intimiste et le portrait d'une femme partagée entre sa culture occidentale et ses racines orientales. Les dialogues, eux- mêmes, sont tantôt mièvres et convenus et tantôt frappés du coin de la sagesse philosophique la plus fine.. La description de la Jordanie bourgeoise manque un peu de mordant et on sent que la réalisatrice - et aussi actrice principale - n'a pas réussi ou pas voulu dresser le procès d'une société machiste, plombée par le poids de la religion mais pour laquelle elle a de la tendresse. On reste donc toujours dans le demi- mot et le non- dit, que cela concerne les sentiments intimes ou le cadre politico- religieux général.
Cette chronique sentimentale et familiale parle du choc des cultures sur un ton qui sonne juste. Cherien Dabis aborde avec talent le sujet du choc émotionnel lié au développement personnel entre deux cultures, d'autant plus dur qu'ici l'ombre du retour à un pays disparu, la Palestine, ajoute de la densité au dit choc. Les situations, souvent drôles et tendres en les trois soeurs, viennent désamorcer le mal-être de May, une femme en quête d'elle-même. Ma est le roc sur lequel sa famille repose, et doit faire face a sa propre vulnérabilité pour se retrouver, se comprendre, et savoir ce qu'elle recherche et désire vraiment. Ce faisant, elle montre une grande ouverture, une tendresse pour son monde, et sa famille pas toujours facile à vivre. Ce film encourage à accepter ses failles et celles des autres pour renforcer notre boussole souvent perturbée par notre environnement. Il est un essai de montrer la vulnérabilité en tant que force. A vous d'aller voir si cet essai est réussi.
Jouant volontiers de la comédie pour dépeindre les rapports détonants de cette famille remuante, Cherien Dabis utilise les personnalités bien marquées de chacune d’entre elles pour composer une image vivante et variée de la femme moderne en Jordanie. Entre May, femme libérée ayant adopté le modèle occidental non sans une certaine provocation et sa mère, fidèle en religion et attachée aux traditions, parfaitement interprétée par Hiam Habbas, la vision qui nous est donnée de la Jordanie est assez inhabituelle. Un choc sentimental, amoureux et culturel plein d’énergie qui pour autant ne se détourne pas des enjeux idéologiques ou religieux. Et qui met en avant un autre personnage, rarement montré, la ville d’Amman et la beauté des paysages de Jordanie. Avec ce portrait chorale, Cherien Dabis joue habilement de l’instantané de société, du questionnement identitaire. Mais sa plus grande audace est sûrement, pour la première fois, d’être passée devant la caméra en assurant le rôle de May. La réalisatrice s’est préparée pendant un an et demi pour cette expérience qu’elle craignait beaucoup. May in the summer a de quoi la rassurer : si son film est réussi et attachant, c’est notamment grâce à sa prestation pleine de charme et sa présence solaire. Cherien Dabis n’a donc pas fini de nous surprendre.
A sa façon, la réalisatrice dit beaucoup d’un monde arabe plein de contradictions et de mutations, notamment sur la question de la place et du rôle des femmes. Mais à force de tout vouloir montrer, son scénario et son propos finissent par un peu trop s’effilocher. C’est correct mais pas transcendant…
Alors que les sujets affleurent dans cette comédie qui annonçait bien des surprises, on en ressort très déçu. Le casting mené par une actrice réalisatrice qui m’avait particulièrement scotché dans Amerikka est lui aussi flatteur (Hiam Abbass, est toujours un gage). Mais rien n’y fait, on tourne en rond, dans cette région où la situation géopolitique aurait pu servir de ferment. On lui préfère des sentiments mièvres Pour en savoir plus