Voilà un film qui mérite qu'on le regarde avec attention. 24 heures dans la vie d'un couple, et plus précisément de la femme, la ménagère de moins de 50 ans. Plusieurs couples gravitent autour de celui-ci comme autant de possibles doubles, qui se font écho, qui se ressemblent. Dans cette banlieue, chacun pourrait vivre la vie de l'autre, sans changer de ressenti sur son existence : celui d'avoir fait une croix sur ses rêves de jeune adulte étudiant et de vivre dans un confort conformiste tout juste supportable.
Beaucoup de finesse dans les situations, les dialogues, les non-dits. Des hommes absents, qui ne voient rien, ou qui font exprès de faire semblant de ne rien voir ; qui n'assument pas grand chose dans leur vie domestique. Ils ramènent l'argent, offrent le confort, et il ne faut pas leur en demander plus. Chacun se satisfait de sa petite vie professionnelle à laquelle il accorde une importance démesurée ; une bonne excuse pour ne pas avoir trop à subir la routine quotidienne de la maisonnée.
Quant aux femmes, il y a celle qui gère tout, si bien qu'on a l'impression que personne n'arriverait à faire ce qu'elle fait dans sa journée : elle est vraiment douée, elle le fait si bien... Il y a celle qui est parvenue à ce confort de la middle-class : elle se réalise pleinement dans cette vie, sauf quand un grain de sable vient déranger tous les efforts qu'elle fait pour vivre cette vie parfaite : elle n'a aucune autre aspiration que de contempler sa routine et de s'en satisfaire. Il y a aussi celle qui a un gamin ingérable ; capricieuse et superficielle, elle semble encore se demander comment font les autres pour gérer une marmaille qu'elle considère autant qu'un bien matériel, un peu encombrant. Enfin il y a la déprimée, celle qui a pourtant l'air toujours souriante, mais qui se fera aider par une jeune fille au pair car, bien qu'enceinte, elle ne s'occupe ni de son intérieur, ni de ses enfants.
Et puis il y a la Mère, celle d'Emmanuelle Devos, dans une scène savoureuse. Elle aurait pu être la mère de chacune d'elles. Enervant prophète qui distille aussi bien les critiques culinaires que le passé et l'avenir de la vie de ces mères de famille. A peine un soupçon d'aigreur - ou bien de réalisme ?
Et ces femmes n'ont aucune révolte. La seule qui semblera refuser ce destin est à la fois à l'aube et au crépuscule de sa vie de mère. Elle n'entrera pas dans le moule... Mais à quel prix !
Le jeu des acteurs et des actrices est parfait, les décors également. La tension est palpable mais le film reste cohérent : rien ne bouscule véritablement la vie de ces couples standard.
Un mot sur l'ennui : est-ce un film où l'on s'ennuie ? Probablement si on le regarde de manière superficielle, pour se détendre. Mais si on porte un regard attentif, alors il n'y aura aucun ennui, car chaque plan, chaque séquence porte nombre de subtilités qui permettent d'analyser en profondeur les intérieurs des êtres et des choses. Les acteurs sont dirigés à la perfection et incarnent leur personnage avec épaisseur et cohérence. Bref, c'est un très bon film, à condition d'aimer le genre.