Pour commencer ma critique (qui racontera le coeur de l'histoire), je reprendrai l'expression de Danièle Heymann prononcé dans Le Masque et la plume au sujet de Jeune & jolie de François Ozon : ce film est "un miracle".
Miracle, car il surpasse les attentes, le spectateur croit venir voir un film sur un jeune fille de 17 ans qui se prostitue, ce qui devrait impliquer : psychologisation du personnage principal, problème dans l'enfance pour expliquer un tel comportement, en somme de "la moraline". Or, il voit là un portrait sensible d'une fille de 17 ans, sublimement interprété par Marine Vacht, sous une forme tragique.
Forme tragique en 4 actes, 4 saisons, 4 chansons de François Hardy.
Premier acte, l'été : la plage, l'amour passager. Le spectateur découvre doucement Isabelle et son caractère particulier, un mélange de sensibilité exacerbée et de force intérieure. Sa relation amoureuse de vacances avec un jeune allemand apparaît rapidement comme l'opportunité de découvrir sa sexualité, mais la première fois est douloureuse, le réalisateur montre l'actrice se dédoublant, elle se regarde, elle est spectatrice et non actrice. On est étonné de voir la distance qu'installe Isabelle entre elle et son "ami" allemand. Ce n'est pas une distance seulement liée à un manque de sentiment d'elle envers lui, c'est l'expression de sa différence. Une fois ce thème mis à la vision du spectateur, le premier acte est terminé.
Deuxième acte, l'automne : on découvre Isabelle sortant du métro, se dirigeant vers un grand hôtel, le tout sublimé par Ozon. Le spectateur découvre que la jeune fille qui monnaye ses charmes, sa première expérience est avec un vieil homme, cela la gêne au premier abord, mais au premier abord seulement. S'ensuit de nombreuses autres expériences. On voit qu'Isabelle est d'un milieu aisé, bourgeois, elle étudie à Henry IV. Ses éléments mis à la disposition du spectateur par le réalisateur l'amène à se demander le pourquoi de ses actions. Elle a tout, outre sa beauté, elle est choyé par sa mère et son beau-père, sa relation avec son petit frère est sereine (et agréable à regarder !). Les pièces sont posées, le portrait s'affine, il va s'affiner de plus en plus, derrière sa beauté juvénile, sa grâce naturelle, elle renferme quelque chose de profond, le vieil homme avec qui elle monnaye "ses services" décrit ses yeux comme ceux "de la mélancolie". Les éléments de la tragédie sont mis en place, l'évènement tragique se produit, lors d'une de ses fins d'après-midi devenues courantes, le vieil homme, avec qui une relation presque amicale s'est nouée, décède pendant l'acte. L'évènement tragique est arrivé, il est inévitable, deux choix s'offre au protagoniste principal, prendre la fuite en espérant que personne ne découvrira son activité ou appeler les secours pour ce vieil homme, qu'elle a tenté de réanimer sans résultat, mais au prix de la découverte de son secret. Sous le choc, elle choisit la première option.
Troisième acte, l'hiver, long et douloureux hiver : il s'ouvre sur l'annonce de la police judiciaire, suite à une enquête résultant de la mort de l'homme âgé, à la mère d'Isabelle des activités de sa fille, tout s'écroule pour elle, elle va tenter de comprendre pourquoi sa fille fait cela. Elle est effrayée par ses actions. Mais, ne comprendra jamais pourquoi. Quand on lui propose d'aller voir un psy, Isabelle refuse d'abord, avant d'accepter mais elle sait bien que cela n'aura aucun effet, car elle le dit, elle n'est pas folle, la thérapie par la parole ne changera rien, on ne saura pas pourquoi ses actes, car elle ne le sait pas elle-même. Elle ne le sait pas, le réalisateur intelligemment ne tombe pas dans de la psychologie idiote, la seule raison qui est expliqué l'est déjà dans la bande-annonce, une première transgression et puis un désir, désir beau mais violent et dangereux cela est expliqué dans plan magnifique sur la bouche d'Isabelle. Le portrait s'affine une nouvelle fois par la différence sublime de son être, sa sensibilité la guide et la rend froide avec certains, c'est sa mélancolie. La réalisateur dresse un portrait plein de cette jeune fille fascinante.
Quatrième acte, la vie tente de reprendre son cour : sa mère qui a culpabilisé, de manière logique bien qu'elle n'est rien à voir avec les activités de sa fille, tente de lui refaire confiance, comme un moyen pour essayer de la sortir de l'eau dans laquelle la première croit qu'elle est tombée à la différence de la seconde. Un amour passager démontre une nouvelle fois le caractère particulier de cette jeune fille.
Mais, son avenir est incertain, le réalisateur joue avec le spectateur en lui faisant croire qu'elle retombe dans ses activités, elle va plutôt revenir à l'endroit de la mort de l'homme. Mais, comment analyser la fin et l'hypothétique suite ? Rien ne nous dit qu'elle ne retombera pas dans la prostitution, le tragique doit toujours rester à l'esprit.
Ce long résumé avait pour but de louer la réalisation superbe d'Ozon, la prestation géniale de Marine Vacht (et de tous les acteurs en général) et les grandes sensations produites par ce long-métrage. Le tout avec trois très beaux morceaux de Philippe Rombi.
Un bijou sensible.