"On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans". La caméra de François Ozon n'entre et ne s'attarde qu'une seule fois, pendant ce film, en salle de cours et c'est précisément lors d'un cours de littérature française, tandis que les étudiants récitent et commentent le fameux poème d'Arthur Rimbaud. Ah! Comme il convient, en effet, ce poème, même si, à lui seul, il est loin de tout dire et de tout révéler à propos du personnage jouée par la superbe Marine Vacth! A dix-sept ans on n'est pas sérieux certes mais on peut être très inconscient, très seul et très mélancolique...
François Ozon dresse le portrait d'une adolescente de dix-sept ans, oui, mais en confrontant le spectateur à une énigme. Car cette jeune fille, le temps d'une saison, fait le choix de se prostituer! Pourquoi? Manque-t-elle d'argent pour subvenir à ses besoins? Est-elle maltraitée par ses proches, mal-aimée par sa famille? Rien de tout cela... Alors quoi? Pourquoi? Nous aimerions tellement que le réalisateur nous donne le fin mot d'une telle énigme! Eh bien nous resterons avec nos questions et c'est tant mieux! Je n'aime rien tant, pour ma part, que les récits (qu'ils soient littéraires ou cinématographiques) qui mettent en scène des personnages aux comportements surprenants et qui jamais, à proprement, ne nous donnent d'explications. Il n'y a rien de pire que les résolutions des énigmes: elles sont en général laborieuses et décevantes.
Ici on est servi! Jamais on ne saura ce qui a motivé Isabelle, pourquoi elle s'est connectée à un site de rencontres, pourquoi elle a fixé des rendez-vous à des hommes bien plus mûrs qu'elle dans des chambres d'hôtel, pourquoi elle leur a offert son corps moyennant finance... Ce mystère en fait un personnage fascinant, déroutant, dérangeant. Personne, autour d'elle, n'a rien vu, pas même sa mère. Le seul qui, peut-être, aurait pu pressentir quelque chose, c'est son petit frère... Il y a une sorte de complicité entre soeur et frère, mais ce dernier est encore trop jeune pour comprendre ce qui se passe.
En quatre saisons, François Ozon suit le parcours dangereux et fou d'Isabelle, la découverte de la vérité par ses proches, leur stupeur, les questions sans réponses, le joli visage de Marine Vacth comme pétri de mélancolie... Car si elle est jeune et jolie, elle n'est nullement joyeuse... "La chair est triste hélas!" écrivait un autre poète (Stéphane Mallarmé). En quatre saisons, disais-je, mais aussi en quatre chansons: des chansons de Françoise Hardy qui certes nous entraînent bien en deça des poèmes de Rimbaud ou de Mallarmé, mais qui sont cependant loin d'être anodines. Souvent, dans les films, les chansons n'ont d'autres fonctions qu'illustratives. Ici, manifestement, elles suggèrent quelques pistes de compréhension, elles soulèvent un coin du voile... Elles n'expliquent pas, bien entendu, mais elles donnent à penser. Et si elles sont en quelque sorte la voix d'Isabelle, elles invitent à ne pas juger, mais à être davantage attentifs aux autres et en particulier aux adolescent(e)s... Aux ados de dix-sept qui sont si peu sérieux qu'ils peuvent sans s'en douter côtoyer des abîmes!
8/10