Un film très français dans cette façon de décrire le monde sans aucune volonté de le transcender ou de l'exagérer. Nous sommes ici dans une description ultra-crue, une étude clinique même, d'une personnalité à tendance narcissique frôlant la schizophrénie on pourrait penser, au moins dans son rapport aux émotions. Une de ces filles sans père et sans repère, spectatrice d'elle-même et de son pouvoir de séduction, toujours détachée, à distance de ses émotions qu'elle ne vit qu'a posteriori, en souvenirs, parfois recréés avec de nouveaux éléments, qui parfois peuvent l'amener à en devenir mythomane léger (ce n'est pas vraiment le cas dans le film). La proximité, la réelle intimité est rare, elle la feint plus souvent qu'elle ne la vit et c'est le plus souvent pour le plaisir de se sentir désirée ou aimée, pour le pouvoir que ça lui donne, mais sans aimer réellement en retour.
Ce qui peut sembler dérangeant dans ce film, c'est qu'il est lui-même à distance, s'interdit tout jugement, il n'y a aucune prise de position. La volonté semble d'être au plus proche, au plus juste, et neutre. Et je dois dire, c'est réussi. Pour avoir connu des personnalités semblables, j'ai été saisi par la justesse du tableau, ainsi que les éléments "d'explications" disséminées dans les dialogues, rien n'étant gratuit, chaque scène ou parole apporte un élément supplémentaire attestant de ses troubles narcissiques et des causes potentielles.
"Très français" disais-je, aussi par l'absence d'intrigue réelle. C'est une tranche de vie, un instant important, où elle bascule dans l'utilisation du pouvoir paradoxal qu'elle a à ne rien ressentir en direct et ses conséquences destructrices.
Au final, on a un film qui peut échapper à ceux qui ne connaissent pas ce type de personnalité, auquel il est assez difficile de s'identifier ou pour lequel on n'a peu d'empathie, hormis sous une forme très intellectualisée. L'intrigue ne vous emmène nulle part, pas de tension particulière, pas d'interrogation hormis "qu'est ce qu'elle va faire comme bêtise encore ?". C'est une tranche de vie d'une personnalité atypique. Ce film m'a remémoré le vague souvenir d'un autre film (très différent malgré tout, mais autour de troubles similaires) qui s'appelait "Un coeur en hiver".
Du coup, ce n'est pas pour tout public, évidemment. Pour ma part, je ne peux que saluer ce travail de "documentaliste" qui a les défauts de ses qualités : une froideur formelle permettant ce très précis travail de reconstitution.