Jeune & Jolie explore une piste qui s'annonce a priori très intéressante: suivre durant quatre saisons une adolescente qui se prostitue.
Isabelle est une très belle jeune fille de 17 ans, issue d'un milieu bourgeois très favorisé et très bien entourée par sa famille et ses amis, une de ces filles dont on dit un peu vite "qu'elles sont sans histoire" et "qu'elles ont tout pour elles." Néanmoins, sans en parler à personne, Isabelle commence à se prostituer en rencontrant des hommes dans des hôtels, sans qu'on sache très bien quelles sont ses motivations, ni même si elle en a vraiment de très conscientes.
D'après ce que j'ai pu en lire, on a reproché à Jeune & Jolie d'être un film provocateur et immoral. Certains lui ont trouvé également des relents misogynes, en affirmant en filigrane que chaque femme se rêve peu ou prou en prostituée.
Je ne partage pas ces critiques. A aucun moment Ozon ne glorifie la prostitution, qu'il présente d'ailleurs sous un jour assez cru et plutôt sinistre. Pas plus d'ailleurs qu'il ne la dénonce de manière frontale et mécanique. Il ne fait non plus aucunement œuvre d'universalisme tant il attache étroitement sa caméra aux pas de son héroïne et Isabelle ne représente jamais l'ensemble des femmes. Selon moi, Ozon n'a pour seule ambition que de dérouler sa séduisante idée de départ, en filant de très près son actrice dans son costume d'improbable putain.
Et le problème, puisque problème il y a bien, n'est pas théorique, mais cinématographique. Le film n'est simplement pas bon, puisque le réalisateur ne parvient pas à donner la moindre épaisseur à son postulat de départ.
Pour commencer, la narration, qui tourne sans cesse autour de la question centrale du pourquoi, n'est pas très fluide. Le réalisateur semble refuser cette interrogation, mais puisque invariablement elle obsède le spectateur, il s'en rapproche, mais finit par la laisser en suspens, donnant finalement l'idée qu'il est incapable d'y répondre. Et de cette non réponse ne surgit que le vide, qu'Ozon remplit à coup d'artifices. Il met en scène ce qu'il présente comme le véritable amour, qu'il nous laisse un instant entrevoir comme une fin un peu mièvre mais possible, un petit matin sur le Pont des Arts, mais ce n'était qu'une fausse piste. De la même façon, la première passe d'Isabelle est longtemps passée sous silence et n'apparaît qu'une fois qu'on a cessé de l'attendre, mais reste désespérément vide de sens, alors qu'elle aurait pu s'avérer réellement centrale. Ces tours de passe-passe, qui fonctionnaient dans Ricky et surtout dans Swimming Pool, agacent ici plus qu'ils n'intriguent: ils ne parviennent pas à masquer l'indigence du propos.
Ensuite, le personnage d'Isabelle sonne faux. Ses parkas informes des années Nirvana et sa tenue de prostituée composée d'un tailleur de secrétaire mal coupé, d'escarpins datés et de rouge lèvres trop rouge laissent sceptiques; j'imagine les lycéennes d'Henri IV de 2013 un peu plus dégourdies...
Et surtout, Marine Vacth n'est clairement pas à la hauteur. Son interprétation sans nuance, sans profondeur, ne convainc pas et sa beauté n'est pas suffisamment envoûtante pour faire oublier la monotonie d'un personnage déjà très banal. Ozon a commis une grosse erreur en construisant son film autour de cette jeune comédienne, qui manifestement le fascine, mais qui pour le spectateur n'a pas les épaules.