Avec son titre de mag. féminin, F. OZON livre un film singulier, original mais trop hésitant.
Le point de départ est intéressant pourtant. Une jeune fille, Isabelle, en vacances avec ses parents dans leur maison secondaire perd son pucelage puis rentre à Paris retrouver son cocon douillet.
Son appartement situé dans les beaux quartiers, sa nounou, ses cours de théâtre au lycée Henri-IV avec sa copine…
Rien de méchant et que du très normal donc. Sauf que cette image d’Épinal, de famille aimante et aisée
(légèrement contrebalancée par une banale histoire d’adultère)
est annihilée par l’activité secrète d’Isabelle. Elle vend son corps en tant qu’escort girl.
OZON prend le partie de filmer son actrice Marine VACTH, révélation du film, sous tous les angles et dans - presque - tous les plans, sans la juger et sans donner d’explications à ses motivations extra scolaires. C’en est troublant et surtout cela confère à Isabelle une aura mystérieuse. Elle ment tout le temps et à tout le monde, sauf à son petit frère, et ne se livre que très peu même à ce dernier. Son cheminement est intéressant, elle passe du statut de jeune fille à jeune femme bien que toujours mineure. La seule fois où elle révèle quelque chose,
c’est devant un psychothérapeute suite à un incident avec un de ses clients.
Cette scène trouvera un écho à la fin du film qui se terminera de manière très et trop ouverte.
OZON prend le contre pied du tout explicatif en mettant un grand point d’interrogation sur les motivations de la jeune femme. C’est l’atout et le défaut du film. Atout car on est sidéré par sa beauté insaisissable, son comportement, … Et défaut car à force de trop dissimuler son personnage derrière des mensonges, ce dernier n’a pas de consistance, frôle l’abstraction et perd en crédibilité… mais le tout involontairement. En effet OZON, dans sa description du « boulot » d’escort, ne verse jamais dans le sordide alors que la prostitution l’est par nature (proxénètes, clients violents…). Cela décrédibilise l’ensemble et dénature son personnage principal sur lequel tout glisse. Le film s’apparente finalement à un rêve/fantasme, éveillé certes, mais un rêve quand même et surtout. Sauf que cette dimension onirique n’est jamais clairement signifiée.
Il hésite donc beaucoup et se perd dans son héroïne (tout comme les spectateurs) mais pour sûr son film s’inscrit bien dans son époque. En filmant une jeune femme, belle à tomber, déterminée, experte en dissimulation et ne s’attachant à personne
(sauf à un de ses clients décédé),
il brosse un portrait d’un monde qui ne croit plus en rien, ni au mariage, ni à l’amour mais au plaisir procuré par l’accumulation de l’argent et à ce dernier seul. C’est triste mais suffisamment pertinent sur les jeunes générations et sur la perte des valeurs du monde occidental pour différencier jeune et… d’un film lambda et sans âme. En effet, il se révèle bien plus intelligent que son titre leurre et que son affiche racoleuse.