Comment faire un très beau film sur un sujet aussi révoltant et désespérant? Comment réaliser un bon film qui n'explique rien et ne donne aucune réponse sur toutes les questions qu'il met sur la table? François Ozon signe un film captivant car jamais son propos, ni sa caméra, ne jugent le comportement incompréhensible de son héroïne plongée dans les affres répugnantes d'une prostitution d'autant plus méprisable qu'elle n'a que 17 ans, qu'elle fait en plus ses premiers pas dans sa sexualité et que sa décision est pleinement assumée et assurée. Les premières scènes nous présentent une jeune et jolie Isabelle, issue d'une famille parisienne "normale" et plutôt aisée, ainsi que sa première relation sexuelle telle que de nombreuses adolescentes ont pu la ressentir: tendre, un peu abscons et maladroit, mais plutôt positive. La scène suivante nous amène brutalement à l'hôtel, et l'acte cette fois-ci est monnayé. Pourquoi? Comment en est-elle arrivée là? : cette question, on se la pose pendant 1h30, et on se la posera encore après. Ozon filme et ne répond jamais. Il colle à la peau une ado, son innocence et sa maturité affichée et mêlée, ses actes sexuels révoltants sans vulgarité, son addiction pour la prostitution sans la culpabiliser, une pute qu'on n'aurai jamais souhaité voir exister tant on pense à l'effroyable gâchis qui se présente devant nous. Il montre avec pudeur et respect, comme s'il voulait la protéger des regards et des critiques forcément négatives à son égard, le parcours pitoyable d'une jeune fille qui vend chèrement son corps sans utiliser son argent, de sa rédemption que son entourage souhaite alors qu'elle même ne se sent jamais coupable d'avoir fait quelque chose de mal. Elle ne se pose pas la question du pourquoi elle fait ça, elle n'exprime jamais de plaisir, encore moins du dégoût. Et jamais le réalisateur ne fait l'apologie de la prostitution, ni du voyeurisme, bien au contraire.
Marine Vacth est impressionnante: son charisme, son innocence, sa jeunesse, sa beauté.... Un premier rôle au cinéma comme LE rôle de sa vie: c'est aussi fort et rude, comme son personnage. Le réalisateur ne la ménage absolument pas entre situations immorales et scènes de nu. Elle reste néanmoins jeune et jolie jusqu'à la fin, malgré la révolte qui sommeille au fond de nous. Géraldine Pailhas en mère modèle complice pourtant naîve, puis dévastée, perdue et désarmée, nous confirme toute la facette de son énorme talent. Mention spéciale au jeune Fantin Ravin, qui joue le petit frère d'Isabelle: il apporte de la légèreté et de l'humour dans un film qui n'en avait pas forcément besoin, mais qui tombe toujours à point et fait mouche à chaque apparition. La dernière scène et l'apparition remarquable de Charlotte Rampling n'apporte pas grand chose au film et le réalisateur aurait pu s'en passer.
La moindre des choses quand on regarde un film de cinéma, c'est de donner une place au spectateur. Dans "Jeune et Jolie", nous sommes simple spectateur, c'est à dire témoin et impuissant face au spectacle qui nous ait donné. Et sur le coup, rarement cette place n' a été aussi bien respectée.