La psychanalyse d’un indien des plaines par Arnaud Desplechin n’est pas foncièrement captivante, loin s’en faut, mais possède au moins le mérite d’illustrer très habilement une relation médecin-patient hautement intimiste. Le succès d’estime de Jimmy P., périple américain d’un réalisateur français, tient simplement d’une complémentarité, celle de Mathieu Amalric, fidèle compagnon de route du cinéaste, et Benicio Del Toro, acteur qui crève l’écran, comme souvent. Présenté sur la Croisette durant le festival de Cannes 2013, Jimmy P. n’aura réellement emballé personne, tout en ayant déçu qu’un très petit nombre de festivaliers. Pour cause, si le plomb dans l’aile du film est dû à son manque de rythme accablant, sa réelle qualité n’aurait pu voir le jour sans se tempo pachydermique. Paradoxale.
En effet, c’est l’intimité qui régit les échanges entre l’anthropologue, psychologue pour le coup, et son patient, un indien Black Foot vétéran de la seconde guerre mondiale qui font sans conteste la richesse du film de Desplechin. Si quelque fois, les discours et dialogues tombent à plat, en d’autre circonstances, le cinéaste et ses acteurs semblent jouer habilement sur une corde sensible, celle de la blessure de l’âme. L’indien, Jimmy Picard, parle librement à ce docteur exubérant, de ses maux, de son malaise social, de son inadaptation. En retour, le médecin, qui accessoirement n’est pas le moins mystérieux des deux personnages, se livre à jouer au grand diagnostiqueur parmi ses confrères, avec une certaine réussite. Au fond, lequel de ces deux hommes si particuliers est-il le plus inadapté?
Si Mathieu Amalric, avec son accent chantant, fait de son mieux pour prendre le dessus sur l’acteur américain, avouons sans remords que Del Toro lui pique littéralement le vedette. La présence d’une telle pointure au casting du film est hautement bénéfique pour celui-ci. L’intimité au cinéma nécessite l’engagement profond des acteurs, d’où un choix des rôles primordial durant le pré-production. Ici, c’est gagné tant Del Toro et Amalric semble solides dans leurs costumes. Malheureusement, alors que certaines séquences s’envolent vers des échanges profonds et pour le moins intéressants sur la nature de l’esprit humain, le cinéaste manque le coche lorsqu’il s’agira de s’insinuer dans les rêves du patient. Les élucubrations du soi-disant malade, relativement mal mise en scène, freine sur sa lancée la vraie thématique du film, la psychologie.
Notons également que l’approche des médecins blancs, américains notamment, des symptôme que peuvent avoir les peuplades amérindiennes tient de l’étude animalière, sans que le film en fasse un scandale. Nul psychologue ne semble en mesure de pouvoir aider Jimmy, les diagnostics physiques n’ayant rien donné, l’on finit par faire appel à un anthropologue. Certes, nous voilà en 1948, mais l’image est relativement forte. L’on pourra aussi regretté que les maux de Jimmy, dû à son expérience de la guerre en terre européenne, ne sont que très légèrement abordé. L’on aurait aimé en savoir plus sur son combat, son rôle sous les drapeaux. Bref, intéressant dans le fond mais très étouffant sur la forme, Jimmy P. est convainquant mais jamais très divertissant. Enfin, s’agit-il sans doute de choisir son camp. 09/20