L'union du cinéma et de la psychanalyse m'a toujours semblé hasardeuse et les films qui se sont appuyés sur ce thème se sont souvent soldés par des ratages ou des semi-ratages. Je ne suis donc guère amateur de ce genre cinématographique et, même si j'ai fort apprécié jusqu'ici les films d'Arnaud Desplechin, je m'attendais, pour ce qui concerne cette oeuvre, à être vite pris par l'ennui et à sentir mes paupières s'alourdir très rapidement...
Erreur totale! Non seulement ce film ne m'a pas ennuyé une seule seconde, mais je l'ai trouvé passionnant! Voici donc, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la rencontre de Jimmy Picard, un Indien Blackfoot revenu blessé et traumatisé de France, et de George Devereux, Juif d'origine hongroise, à qui l'on fait appel en sa qualité d'ethnologue et de psychanalyste. Car ce n'est pas tant le corps de Jimmy Picard qui est blessé que son esprit. Comme le lui dira George Devereux, si le corps peut être marqué de nombreuses cicatrices qu'on ignore, il en est de même et plus encore quand il s'agit de l'esprit.
Ce sont ces cicatrices que, patiemment, tout au long des rencontres entre les deux hommes, l'on va découvrir. Mais ce qui passionne et ce qui surprend aussi et surtout, davantage même que les blessures passées, ce sont ces hommes et ces acteurs: l'Indien Jimmy Picard (Benicio del Toro) étonamment fragile et doux malgré son corps massif qui semble taillé pour remporter tous les combats - et le psychanalyste George Devereux (Mathieu Amalric) tellement minuscule à côté de l'Indien mais si agité, si captivé, si sûr de lui et de ses méthodes qu'elles semblent parfois faire violence. Et l'on découvrira, bien sûr, que ce dernier n'est pas indemne, que si l'Indien est hanté par ses démons, le psychanalyste n'est exempt ni de blessures ni de cicatrices.
Arnaud Desplechin s'est inspiré de personnages réels et, pour son premier film américain, a réussi le dosage délicat entre les scènes de dialogues (forcément assez nombreuses), les flashbacks et les scènes de rêves. Il y a peut-être quelques maladresses, mais en règle générale tout est bien agencé et filmé avec intelligence. On sent aussi à quel point Arnaud Desplechin (si français cependant) aime le cinéma classique américain, celui du génial John Ford en particulier. Une des scènes de "Jimmy P." lui rend d'ailleurs explicitement hommage: l'Indien et le psychanalyste assistent ensemble à une séance de cinéma. Et que projette-t-on? "Young Mister Lincoln", un film de John Ford! 7,5/10