Après nous avoir enivré d'amour au lever puis au coucher du soleil dans les balades « Before Sunrise » / « Before Sunset », le couple Jesse / Céline revient sur grand écran pour nous emporter (une bonne fois pour toutes?) en Grèce dans la comédie dramatique intimiste « Before Midnight », véritable coup de cœur cinématographique du mois de juin. Comme à l'accoutumée, Richard Linklater figure aux postes de scénariste et de réalisateur, tandis que le tandem Ethan Hawke et Julie Delpy sont présents face caméra, et à la plume du long métrage.
Synopsis Allociné : Une île grecque, un villa magnifique, en plein mois d'août. Céline, son mari Jesse et leurs deux filles passent leurs vacances chez des amis. On se promène, on partage des repas arrosés, on refait le monde. La veille du retour à Paris, surprise : les amis offrent au couple une nuit dans un hôtel de charme, sans les enfants. Les conditions sont idylliques mais les vieilles rancœurs remontent à la surface et la soirée en amoureux tournent vite au règlement de comptes. Céline et Jesse seront-ils encore ensemble le matin de leur départ ?
S'il existe un metteur en scène d'expérimentations, c'est bien Richard Linklater. Réalisateur indie par excellence, le bonhomme – peu connu du grand public français – s'est notamment déjà frotté – avec mérite et succès critique – au cinéma sans date de péremption (« Boyhood », en tournage depuis 2002), au septième art rotoscopique (« A Scanner Darkly », adapté d'une nouvelle de Philip K. Dick), à la teenage comédie musicale déjantée (« Rock Academy »), au docu-fiction sous forme de pamphlet agroalimentaire (« Fastfood Nation »), ainsi qu'aux méandres de la parole et du temps avec la série des « Before » (« Sunrise » en 1995, « Sunset » en 2004 et « Midnight » aujourd'hui).
La saga des « Before », c'est surtout l'ambition de suivre la vie d'un couple à travers les âges (3 opus sur 18 ans), de l'épanouissement des débuts aux tracas du quotidien du mariage, jusqu'à l'épuisement des ressources et la souffrance de la fin.
Céline, l'artiste frenchy, Jesse, l'écrivain américain, leurs enfants (les deux jumelles + le fils aîné, né d'un précédent lit de Jesse), une île Grecque (berceau de la tragédie, choix forcément pas anodin), le bonheur parfait en apparence. Jesse & Céline s'aiment mais se déchirent, se déchirent mais s'aiment.
Mais, comme le dit si bien Gaspard Noé, « le Temps détruit tout ».
« Before Midnight » rompt donc la tradition des deux précédents volets trempés d'un charme juvénile pour se confronter cette fois à la dure réalité adulte. Exit la rencontre au détour d'un voyage en train, les illusions, les rêves, les fantasmes, la passion jusqu'au petit matin, place aux conversations épanouies et aux discussions hystériques, sur tout et rien. Le triumvirat Linklater / Delpy / Hawke portent aujourd'hui un regard sincère, humble et terriblement humain sur les relations sentimentales poussées dans leurs extrêmes, dépeintes comme pouvant être aussi tendres que fracassantes. En moteur de l'éclatement, la « temporalité », fondement de la toxicité de ce couple passionnel, que l'on perçoit au bord du précipice.
On ne peut évidemment s'empêcher de saluer le chef d'œuvre de Mike Nichols « Closer, entre adultes consentants » comme source d'inspiration probable, ainsi que le respect profond de Linklater envers ses aînés – Ingmar Bergman et la Nouvelle Vague (enfin surtout Éric Rohmer).
Au programme, une mise en scène certes minimaliste, mais offrant au passage une dégustation divine de plans – séquences bien fagotés, des acteurs au diapason de leur art, filmés de la même manière que dix ou vingt ans plus tôt, un rythme infernal qui pousse l'empathie jusqu'à son paroxysme et enfin, un romantisme intact (la vraie – fausse lettre imaginée par Jesse que sa femme lui aurait envoyée du futur à l'âge de 80 ans).
Bilan : À l'heure où la franchise « Before » aurait pu commencer à sentir la naphtaline, Richard Linklater, Ethan Hawke et Julie Delpy signent ensemble l'une des plus belles comédies dramatiques de l'année. Les relations de couple, le mariage, les unions du long terme, l'érosion des sentiments, l'effondrement conjugal, tout ça et bien plus dans « Before Midnight ».