Inspiré de la nouvelle Animal Rescue de Dennis Lehane, déjà auteur de romans tels que Gone Baby Gone, Mystic River et Shutter Island, dont il signe ici son premier scénario pour le cinéma sous la direction de Michaël R. Roskam, réalisateur belge qui a fait sensation il y a 3 ans avec son étonnant et très réussi premier film, Bullhead. Donc il y a de vrais talents réunis pour ce film même si Roskam devait confirmer car ce n'est ici que son deuxième film mais à l'écriture et au casting nous n'avons que des pointures.
Autant dire d'emblée que la déception ne sera pas de mise car l'ensemble se révèle finement écrit et arrive, malgré son classicisme apparent, à atteindre un sommet dans le polar noir et stylisé pour se placer au niveau d'un James Gray ou d'un Scorsese. Ce qui n'est pas rien et qui souligne bien le tour de force impressionnant de ce film, surtout dans un genre qui ses dernières années a tendance à livrer des films anecdotiques. Dans le scénario on retrouve donc les thématiques de Lehane avec ses personnages troubles, son twist final et ce rapport presque mystique avec le passé. Même si pour le coup le twist final ce fera pour le moins prévisible, mais vu l'exécution de l'ensemble et les nombreux indices bien visibles parsemés tout au long du récit on peut se douter que créer le suspense autour de cela n'était pas le but rechercher. Le but était plutôt de suivre le parcours du personnage sur ce que l'on croit savoir opposé fasse à ce que les autres personnages croit savoir de lui, cela permet d'avoir un jeu d'apparence assez habile mais il est vrai qu'un peu plus de suspense n'aurait pas fait de mal. Sinon les personnages sont très denses même si parfois certains ne sortent pas des clichés et des stéréotypes comme le flic loin d'être dupe mais qui ne peut pas faire grand chose, qui ne sert qu'à appuyer des choses que l'on savait déjà, ou du moins des choses dont on se doutait et il ne sert au final pas à grand chose, sa présence aurait pu ce faire plus anecdotique car on le voit trop souvent pour le peu qu'il apporte. Sinon le parcours psychologique de protagoniste est vraiment intéressant, considéré un peu comme un simple d'esprit ou tout le monde lui marche plus ou moins dessus, il se révèle bien plus complexe que cela, son humanisation progressive au contact du chien, un élément déclencheur récurant cette année, ce fait de façon subtile et bien pensé. Ses répliques se feront plus rebelles, il s'interroge, il s'ouvre aux émotions et devient moins dupe sur ce qui l'entoure, d'ailleurs la relation entre lui et Nadia est très réussi loin des romances inutiles de certains films, elle ne tombe pas dans les écueils habituels en raison d'un personnage féminin qui n'est pas réduit en sidekick et qui a une personnalité certes classique mais non dénué d'intérêt. De plus il y a un rapport au passé très intéressant entre le vieux gérant qui court après sa gloire passé, un étrange harceleur qui s'est construit sur les "on dit" et un protagoniste qui lui fuis son passé. Même si ses éléments sont déjà vu, c'est la manière de les utiliser qui ici est vraiment intéressante qui créer des rivalités et des dualités entre les personnages mais aussi au sein même du protagoniste qui tente de fuir son passé mais qui est irrévocablement ramener vers lui au fur et à mesure qu'il s'humanise, ce qui donne un aspect quasi tragique au film, si il veut fuir son passé il doit perdre ce qui fait de lui un être humain et rester une coquille vide. Car finalement ce sont nos émotions qui alimente nos démons intérieurs comme pour le personnage de Marv qui est ronger par son propre ego. C'est donc vraiment une belle galerie de personnages qui nous est servie dans une intrigue aux petits oignons qui est très agréable à suivre et captivante dans ses questionnements, elle est très noire mais jamais désespéré, d'ailleurs il y a un humour bienvenu et le film trouve une fin parfaite et belle entre noirceur et lueur d'espoir pour ce qui est finalement une belle leçon d'humanité. Le casting quand à lui est exemplaire avec notamment un Tom Hardy magistral. Il est décidément un des acteurs les plus étonnants du moment, qui arrive à faire oublier sa carrure impressionnante pour révéler un jeu à la subtilité folle, ici tout passe par le regard et le sien est juste terrassant, un grand acteur qui peut assurément tous jouer. De plus il ne faut pas oublier le regretté James Gandolfini qui encore une fois est excellent dans un rôle qui fait écho avec sa disparition. Sinon Matthias Schoenaerts, acteur fétiche du réalisateur, et Noomi Rapace sont tous deux très bons mais leurs rôles étant moins exploités ils ne peuvent s'imposer face au charisme écrasant du duo principal. Pour ce qui est de la réalisation elle est très stylisé grâce a une belle photographie et un montage intéressant notamment lors de la séquence finale dans le bar néanmoins on peut regretter l'absence d'un bande sonore marquante. Pour le mise en scène de Roskam, elle se montre classique mais maîtrisé, de plus il parsème l'ensemble de très bonnes idées visuelles, notamment dans la séquence finale au bar qui se montre très ingénieuse dans son exécution, qui accélère le rythme et fait graduellement monter la tension. De plus il ne se laisse pas noyer sous les influences et arrive à creuser sa propre voie dans le polar et certains pourront sans doute se plaindre du manque d'action de l'ensemble mais le film reste quand même très bien rythmé et n'est jamais ennuyant. Même si l'ensemble se veut lent c'est aussi pour créer une atmosphère anxiogène et une ambiance très flottante, presque apaisante tout en étant de plus en plus oppressante. Un mélange assez unique et qui ne manque clairement pas de charme. En conclusion The Drop est un très bon film et sans doute le meilleur polar depuis pas mal de temps déjà, c'est finement écrit, soigneusement réalisé et admirablement interprété. Même si une certaine prévisibilité et quelques clichés viennent entachés l'ensemble, ce n'est rien de dommageable face à la maîtrise du film qui mine de rien s'impose d'emblée comme un classique. Un grand film qui confirme un cinéaste à suivre de près car il pourrait très vite devenir une référence dans le genre à la manière de Gray ou de Scorsese.