Le premier film de Michaël R. Roskäm «Bullhead» (aka «Rundskop») avait révélé tel un double upercut, un acteur, Matthias Schoenaerts, et un metteur en scène. Ce dernier réalise son premier film américain sous la plume de Dennis Lehanne, scénariste de l’adaptation du livre dont il est également l’auteur («Animal Rescue») ; on lui doit également les romans «Gone Baby Gone», «Mystic River» et «Shutter Island».
C’est donc dans un décor noir, crade et urbain, comme souvent chez Lehanne, que «Quand vient la nuit» va se dessiner. Sur la base d’une histoire somme toute classique dans son déroulement (moins dans son postulat de départ), Michaël R. Roskäm va tenter de dépeindre un certain pan de la mafia russe de Brooklyn. Hélas on ne retrouve ni la patte, ni la manière de filmer qui nous avaient tant séduites dans son premier film. Il est probablement difficile d’être aussi radical dans l’aspect esthétique lorsque les exécutifs des studios sont derrière les écrans de contrôle pour diriger la machine. C’était presque écrit d’avance.
Cependant, le verdict n’est pas négatif car il émerge de «Quand vient la nuit» une petite intensité, une vraie note de polar qui sort un peu des sentiers (archi-) battus.
Il faut donc se tourner vers le casting pour prendre la tension la plus importante et généreuse du film. Voir Tom Hardy reste toujours un plaisir, et qui de mieux peut prétendre à rendre toute l’animalité d’un personnage. Car chez Lehanne, comme chez Roskäm, c’est bien la bestialité qui domine. Il se retrouve donc parfaitement ici. Tom Hardy, comme Matthias Shoenaerts avant ,ici dans un petit rôle, simple, efficace et intriguant, livre encore une prestation magnétique de corps et de voix. Ce dernier sert de parfait compagnon de jeu à James Gandolfini qui lors d’un dernier round, prend corps dans un personnage discret mais nécessaire à ce polar ténébreux.
Par sa mise en scène simple mais stylée, «Quand vient la nuit» fait figure de polar qui vient chuchoter au spectateur une intrigue simple mais différente qu’à l’accoutumé par sa forme esthétique. Si au final ce n’est pas la réalisation qui l’emporte mais un semblant d’histoire et un twist (même prévisible), reste la force majeure et brute de ce joli discret moment de cinéma. Explose en surface, les acteurs, leur force vive et animale, dans leur rudesse extérieure comme dans leur fragilité intérieure.