Il y a 30 ans, un groupe de jeunes mené par Toumi Djaïdja et un prêtre Christian Delorme, décide de lutter contre le racisme qui pourrit la France à travers des crimes odieux commis sans aucun scrupule, entreprennent une marche contre le Racisme, qui les mènera de Marseille à Paris.
Le film Nabil Ben Yadir (Les Barons) montre avec beaucoup de finesse ce cheminement difficile, cette ambiance oppressante d’une France rurale qui refuse par bêtise ou par méchanceté, celui qui n’est pas de sa lignée. Un combat qui s’étendit à toute forme de rejet de l’autre. Insistant bien sur le fait que ces jeunes se refusaient à toute récupération suffisamment conscient du danger que la récupération pouvait représenter, on le vit d’ailleurs par la suite avec SOS Racisme, dont le nom ressemble étrangement à celui des jeunes des Minguettes (SOS Minguettes) mais dont le rattachement au parti Socialiste brouilla les cartes. Les marches des Minguettes refusèrent de participer au mouvement « SOS Racisme », et le réalisateur n’oublie pas de le souligner.
Mais la grande bonne idée de Nabil Ben Yadir, reste d'alterner l’humour et le drame pour mieux dépeindre, ces jeunes qui n’avaient que dix-huit ans de moyenne d’âge et l’envie de faire avancer leurs idées mais aussi l’insouciance qui leur permit cette croisade contre vents et marées. Soutenu par un montage dynamique mais pas hystérique, « La Marche » nous entraîne dans un road-movie intelligent où l’horreur croise la beauté et la subtilité. D’ailleurs, le scénario n’hésite pas à piquer là où ça fait mal, comme lorsque les ambiguïtés des idéaux viennent s’entrechoquer au sein même du groupe, ou de leurs amis, comme lorsque lors d’une réunion, les participants victimes quotidiennement du racisme s’en prennent aux marcheurs.
Un brin militant, mais pour la juste cause, incroyablement d’actualité, le film de Nabil Ben Yadir nous plonge au cœur même du racisme à la française, et soutenu par une distribution particulièrement inspirée, il nous donne à réfléchir sur l’éternel recommencement de l’histoire, et si 30 ans après, les choses semblent avoir évoluées, la montée du Front National reste une alerte suffisamment importante pour que ce film nous fasse réfléchir. Peut-être, pourquoi pas, à une nouvelle Marche ? Une chose est sûre, ce film magnifique de réflexion et de maîtrise, nous pousse à un seul regret, alors qu’il parait évident que le pouvoir en place n’hésitera pas à fêter avec faste les 30 ans d’SOS Racisme dans deux ans, mais qu'il ne fera qu’un simple clin d’œil, à ceux dont la motivation n’avait rien de politiquement ambitieuse et de partisane, simplement celle d'un mouvement de paix inspiré de Gandhi, où toutes les couleurs vivent en harmonie. Que ce film et sa réussite, soit leur plus grand hommage !