A la fin des eighties c'était pas vraiment la mode, de marcher publiquement pour défendre une cause. Sauf à le faire dans un cadre politique, et sur un court parcours convenu avec les pouvoirs publics (ce qui s'appelle encore une manif). Non. A l'époque, une longue marche non-violente c'était has been. Plus grand monde ne pensait à Ghandi ou Luther King, les grands précurseurs de l'Amour-résistant, dans ce siècle fou. Mandela se cherchait encore, Forrest Gump n'était pas né virtuellement. Je ne suis même pas sûr que le rusé Kermit avait déjà pris l'habitude de gravir sa colline tous les ans à la tête de ses... apparatchiks. C'est pourquoi les "marcheurs permanents", qui partirent des Minguettes en automne 1983 pour rallier Paris, histoire de montrer leur espérance d'une France sans racisme, ces marcheurs furent des précurseurs.
La toile qu'on s'est payée en famille un soir de Noël, c'est "La marche" et ça raconte leur histoire. Nabil Ben Yadir est le réalisateur, et il s'est entouré d'un joli casting, où on repère des noms connus comme O.Gourmet, Rufus, Corinne Masiero (décidément elle fait rarement des daubes, cette actrice) ou J.Debbouze, et d'autres moins comme S.Abkarian, V.Rottiers, T.Jallab, etc.
Avec Ben Yadir, tout ce beau monde semble vouloir empêcher que tombe dans l'oubli l'idée-force qu'on peut marcher pour des idées sans vouloir de casquette politique ou d'uniforme...
Si j'ai bien compris, plus d'un pète-sec a reproché au film d'avoir tordu la réalité historique de cette "Marche pour l'égalité et contre le racisme" (qui donna naissance à SOS Racisme). Quelques têtes de série de la majorité actuelle notamment auraient soutenu que le film occulte le soutien de la gauche rose, grâce auquel la si belle entreprise de quelques fondus put se faire connaître. Et cette moue pincée du sérail médiatisé expliquerait que deux semaines après sa sortie "La marche" ait disparu de l'affiche.
Ben moi j'ai kiffé, et les miens aussi.
Même (surtout ?) si je sais bien que le FN remonte en puissance. Même (surtout ?) si le contexte de crise qui est évoqué dans le film ne s'est sûrement pas arrangé. Même donc (surtout ?) si les choses ne bougent pas vite dans notre vieux (trop vieux ?) pays, à cause de l'argent roi et des nantis qui tiennent à leur pré carré.
Moi j'aime qu'on s'attache à l'idée du respect, par principe. Autre couleur de peau, autre culture, autre milieu, autre langue, autre conviction religieuse, autre sexualité, les autres c'est pas l'enfer, en fait. C'est une garantie contre l'ennui, n'en déplaise au FN !
Un petit film généreux s'est construit sur cette conviction. Alors je lui pardonne les clichés ou les entorses à l'histoire, et je retiens la phrase que le toujours déconnant Debbouze (Debbouze le damné de la terre, Debbouze le forçat de la faim :lol: ) lâche au micro au moment du happy end : "La France c'est comme une mobylette. Pour avancer elle a besoin de mélange"...
Et tant pis si on me traite de naïf...