Il n’est quasiment pas possible, devant un film comme « La marche » de ne parler QUE de cinéma. Mais il se trouve que moi, ce film, je viens d’aller le voir et que même si je lui concède quelques défauts sur lesquels je vais revenir, j’ai passé un bon moment, j’ai été émue, j’ai souris, et j’ai compris le propos du scénario, bref, sur moi ce film à fonctionné. Le casting est tout à fait pertinent, avec une mention spéciale à Tewfik Jallab (déjà vu et apprécié dans « Né quelque part ») et Olivier Gourmet. La présence de Djamel Debbouze au casting n’est pas le meilleur atout du film, son rôle manque de pertinence et n’est pas assez écrit. Il a tenu, comme dans « Né quelque part » à ne pas se donner le beau rôle, mais Djamel fait du Djamel, alors il faut aimer (moi j’aime, mais je sais que ce n’est pas le cas de tout le monde). Du coup, sa présence au premier plan de l’affiche n’est pas réellement justifiée artistiquement. La réalisation est intéressante, avec quelques plans joliment réussis, mais demeure assez scolaire et appliquée. Le scénario tient la route, il est beaucoup moins manichéen qu’on pourrait le croire, il est même assez subtil par moment (la relation impossible Monia/Sylvain et ce qu’elle sous-entend de désagréable, ou la position des fils de harkis par rapports aux autres fils d’algériens). Alors évidemment, ce scénario manipule des bons sentiments, de fraternité (vous savez, le truc écrit en troisième position aux frontons des mairies !), de solidarité, d’amour de son prochain, bref… des trucs de « bobos-bien-pensants-droit-de-l’hommiste » pas du tout dans l’air du temps ! Et bien justement, reprocher à ce film son pathos (même s’il y en a un peu vers la fin, je le concède), c’est oublier un peu vite le contexte de l’époque, peut-être encore plus violent et décomplexé qu’il ne l’est aujourd’hui. Le film rappelle, et c’est heureux, que l’assassinat ignoble d’Habib Grimzy (battu à mort par trois légionnaires dans l’indifférence générale des autres voyageurs et balancé hors du train Paris-Vintimille : « Train d’enfer », mis en scène par Roger Hanin, à revoir pour comprendre) a eu lieu pendant cette marche des beurs. Je sais qu’on a tous la mémoire courte et qu’on s’imagine que dans plein de domaines « c’était mieux avant.. » sauf qu’en 1983, il n’y avait pas que des discours racistes, il y avait aussi beaucoup d’agressions, et parfois de meurtres racistes. On ne peut pas regarder « La marche » sans remettre le film dans son contexte, ou pire, en lui collant le contexte d’aujourd’hui, c’est malhonnête intellectuellement. Cette marche marque la naissance du mouvement antiraciste en France, qui sera repris (récupéré ?) par le monde politique ensuite et « SOS Racisme ». Cette récupération, on la devine dans le film par l’attitude des RG, aux ordres du pouvoir de l’époque. Au début, il s’agit de torpiller le mouvement, puis de l’infiltrer, puis finalement de l’accompagner jusqu’à la fin pour pouvoir le dévorer. « La marche » réussi l’exploit d’être à la fois un film consensuel sur le fond et tout sauf consensuel aux yeux des spectateurs de 2013, comme quoi c’est compliqué de faire du cinéma, parfois…