Après "Nannerl, la soeur de Mozart" en 2010, véritable "monstruosité" historique (salmigondis de dates, lieux et personnages), où il dotait de dons qu'elle n'a jamais eus la soeur aînée du génie salzbourgeois dans le but cependant louable de parler de la condition féminine peu enviable au 18ème siècle, René Féret adapte pour le cinéma le roman "sulfureux" et longtemps anonyme, "Mrs Solario", écrit par l'Américaine Gladys Huntington sur le tard, largement autobiographique, et publié en 1956. La scène est 50 ans plus tôt, à une époque où quasiment tous les pays d'Europe étaient encore des monarchies (France exceptée), à une époque où la bonne société passait volontiers la fin de l'été sur les bords enchanteurs du lac de Côme, à l'hôtel ou chez des amis à villa (de nos jours, c'est George Clooney qui a l'habitude d'y rejoindre sa maison...). Aisance, calme et entre-soi, dans ce palace, jusqu'à l'arrivée de Mme Natalia Solario (née Nelly Ardent : elle a changé de prénom en passant du protestantisme au catholicisme et de nom en épousant un barbon sud-américain ayant accepté une union de convenance, et dont elle a récemment divorcé), suivie de peu par son frère Eugène, qu’elle revoit pour la première fois depuis longtemps. Ces deux-là en effet sont fauchés (la sœur un peu moins, ayant récupéré de son ex élégant l’intégralité de sa dot, mais contrainte à faire l’économie d’une camériste) et surtout scandaleux (la jeune femme s’est laissée séduire âgée de 15 ans seulement par le second mari de sa mère, Eugène a essayé de tuer ce dernier, avant d’être exilé au Chili d’où il revient à peine, après y avoir descendu toutes les marches de l’infamie et de la déchéance : voilà pour ce que la rumeur publique a pu colporter, mais le pire est à venir !). Le couple fraternel essaie d’asseoir sa position en tentant la carte de la séduction intéressée auprès d’un ménage franco-italien richissime et influent, lors même qu’une héritière belge tombe amoureuse d’Eugène, et qu’un ancien amant de Natalia, opulent comte russe, l’a suivie à Côme et cherche à la reconquérir. Cosmopolitisme à tous les étages, sans oublier d’y inclure le très jeune et naïf Lord Bernard Middleton (lui aussi épris de Natalia), sorte de récitant, qui ouvre et conclut le récit. Un film « à costumes », surtout dans la haute-société, cela nécessite un gros budget dédié – ici, ce poste, en dépit de la bonne volonté et de l’ingéniosité des costumières, est bien misérable, ce qui est évidemment dommageable en termes de crédibilité-même (où l’on voit aussi Mme Solario et son chaperon anglais quitter leur thébaïde cômoise pour Lausanne avec l’une un modeste sac de voyage, et l’autre une seule valise, usée..). Quid de l’histoire maintenant ? Plutôt (beaucoup trop) théâtrale au résultat : les dialogues sont bien écrits, mais le traitement romanesque manque singulièrement d’ampleur… cinématographique. Et bien sûr, la petite entreprise artisanale Féret (Mme à la production et au montage, les filles devant la caméra) péche comme dans le film précédent au niveau casting : Lisa Féret a fait quelques progrès par rapport à « Nannerl », où elle massacrait son rôle de Madame Louise en ânonnant (et elle est ici fort peu à l’écran, en Martha Leroy), mais Marie Féret a le rôle-titre (comme dans « Nannerl »), et l’avoir distribuée en séductrice (irrésistible et amorale) laisse rêveur, car la jeune femme (indépendamment de toute considération sur son talent, de toute façon très mince) n’a ni beauté, ni charme (à défaut du charisme nécessité par le personnage) ! Salomé Stévenin réussit beaucoup mieux, car « Missy » est crédible, incarnée par une beauté aussi peu conventionnelle que la sienne (visage anguleux), et la jeune actrice a un métier indéniable (elle étincelait d’ailleurs dans le « cru » Féret 2008 : « Comme une étoile dans la nuit », film généreux et inspiré, pour un propos sagement contemporain). M. Féret, de grâce, revenez à des sujets, non pas moins ambitieux dans leur finalité, mais moins exigeants en termes de moyens techniques !