Les astres sont alignés et nous voilà reparti à Derry, vingt-sept ans plus tard, où nos héros devront affronter à nouveau le clown qui sort encore une fois de son hibernation dans les tréfonds de la ville de Derry.
S'entendant sur une finale qui devrait plaire au grand public pour enfin boucler la boucle - comme son prédécesseur l'avait si bien réussi, le réalisateur Andy Muschetti à qui l'on doit le fabuleux film "Mama", choisi pour son sens certains ! de la compréhension des œuvres de Stephen King - se vantant même d'avoir intégré Ça dans son ADN, revient aux commandes de ce second volet de "Ça : chapitre 2" pour raviver l'enthousiasme des spectateurs de la première heure sans frustrer le clown Grippe-Sou (le dévoreur des mondes) et permettre à nos héros de tourner enfin la page.
Le scénario prend bien sont temps de regrouper tous les éléments de la bande des losers, tout en s'amusant de nous dévoiler au fur et à mesure ce qu'il est advenu pour chacun de son côté. Et vu le temps qui s'est écoulé, nous dirons à première vue (sur le plan professionnel) qu'ils s'en sortent plutôt bien !
Contrairement à ce que laisse penser les apparences, rien n'a changé au fond d'eux-mêmes. Et il semblerait que leurs traumatismes respectifs ce seraient enfuis (avec le temps), attendant dans le noir un possible élément déclencheur faisant référence à des événements du passé pour qu'ils refassent surface au sein de la conscience collective du groupe, en faisant exploser les barricades qui faisaient office de censure à ces vielles blessures psychologiques (refoulées des sentiers de la conscience) qui viennent d'être extirper ainsi de leur latence par un coup de téléphone anodin provenant d'un Mike Hanlon de Derry. Il en résulte que ces coups de fil passés depuis Derry par Mike vont subitement déclencher une d'angoisse collective au sein des autres membres du Club. Cela va violemment les détacher de leurs zones de confort respectives, les obligeant après coup à tout plaquer derrière eux (femme, mari, boulot...), pour prendre le chemin de la ville de leur enfance,
à l'exception de Stanley qui aurait préféré se sacrifier par le suicide pour alléger le Club du poids qu'il représentait jadis par le passé
. Il aurait été sans doute la faille qui aurait permis à Grippe-Sou d'échouer la mission des Losers s'il avait rejoint la bande. Son geste ne se justifie pas uniquement sur la peur subite ! qu'il a ressenti au moment de recevoir l'appel de son collègue. Au contraire, il s'en est juste servi pour permettre à ses amis de pouvoir alléger la peine, si l'on sait d'après le passé qu'il a été le plus affecté psychologiquement parmi les membres du Club, donc sa présence à leur côté ne fera que fragiliser l'esprit d'équipe. Son "absence physique" au fond n'aura fait que renforcer de surcroît (qu'on le veuille ou non) la force de cohésion des membres du Club des Losers plus forte et leur offre un avantage "sensiblement bénéfique" voire un supplément de raison dans leur motivation d'éliminer une bonne fois pour toute ce clown danseur toujours incarné par l'excellent Bill Skarsgård.
Au fond Stanley ne représente t-il pas cette petite pièce manquante du puzzle dont l'absence (un mal pour un bien) n'aurait en fait rien enlevé à la cohérence visuelle que dispose déjà l'ensemble ? Vu que toutes les pièces sont déjà réunies pour réduire en pattée Grippe-Sou le clown, malgré la présence, toujours, de la peur. Une métaphore visuelle qui sera confirmée subtilement par les évènements qui vont suivre. Car apparemment, le réalisateur semble rien laisser au hasard. Et il faut comprendre que tout ceci doit susciter avant tout un plaisir esthétique, mais il n'empêche ! que le spectacle incite aussi au public de prendre goût à un jeu saugrenu finement élaboré par le talent de son géniteur.
Stanley n'était-il pas enfin de compte le plus saugrenu du groupe ? Cela ne fait-il pas de lui le plus aiguisé du Club des Losers ? Le juif ! Était-ce pas là sa part du contrat ? Mais vous allez me dire que j'ai fumé la moquette. Tant mieux ! En tout cas c'est une théorie intéressante et saugrenue.
Se vantant d'avoir inventer une recette idéale fidèle aux œuvres de King qu'il parvient à retranscrire dans une grammaire cinématographique qui lui ait propre : une partition qui répond de façon efficace aux ruptures de ton extrême que l'on remarque assez souvent à travers les récits du romancier qui se complaît souvent à passer sans sourciller de la comédie à l'horreur pure. Andy Muschietti se livre encore une fois à cette démonstration de style en utilisant comme parade l'humour et le développement émotionnel des personnages afin de mieux adoucir cette rupture de ton (entre la comédie et l'horreur) que l'on constate agréablement dans la scène de réunification de la bande des Losers dans le restaurant chinois, transition faite sur l'angoisse qui prépare déjà le terrain à une véritable scène de combo frénétique mêlant habilement horreur et comédie, tout en donnant l'occasion à nos protagonistes de rentrer dans le vif du sujet.
Des artéfacts à ce qu'il paraît serviront à vaincre Grippe-Sou par le biais d'un rituel Shaman ancien d'après Mike. Ce qui va permettre au scénario de faire le lien entre des éléments du passé (que le premier chapitre ne pouvait fournir : des souvenirs évoquant une bonne dose de nostalgie des personnages adolescents - toujours bienvenus) devenus maintenant adultes, confrontés une nouvelle fois à ce même danger qu'autrefois, livrés à eux-mêmes dans les quartiers de leur enfance afin de trouver chacun son artéfact respectif. Et plus ils s'enfoncent, plus les souvenirs de cette époque leur reviennent.
Associant des thématiques de la peur en fonction de chaque personnage, le réalisateur nous livre une performance assez tiède qui se rapproche plus du conventionnel que de ce qu'il savait faire auparavant. La tension angoissante (quasi inexistante dans certaines scènes) est sans doute martelée par l'utilisation abusive de numérique, justifiant derrière, un manque criard d'inventivité visuelle. Comme si son attention s'était détournée ailleurs. Ce qui engendre donc au final une absence de tension viscérale et fait littéralement tomber la peur dans les assises mécaniques actuels du film d'horreur. De plus l'humour envahissant dans certaines scènes de frayeur avec Grippe-Sou chevauchant des apparences multiples rend cette fois ci les choses plus amusant qu'effrayant. On croirait que le réalisateur voudrait se lancer dans une comédie horrifique quitte à sacrifier cette attitude frontale/authentique qu'on avait droit dans le premier volet. Déjà, quel a été l'intérêt de faire ressurgir un Henry Bowers si ce n'est pour nous fournir des scènes franchement ineptes ! qui n'ont rien à proposer sur la toile ? Si ce n'est pour rallonger la trame. Ce choix nous semble t-il, s'éloigne un peu trop du cadre, ou devrons-nous même dire qu'il rentre difficilement dans la moule. Nous avions préféré (pour le bien de tous) qu'ils nous l'épargne volontiers. Et que dire de ce triangle amoureux Bill-Bev-Ben totalement insipide ! Le scénario essaye désespérément de s'y appuyait parfois, oubliant par là toute la sincérité, la chaleur et la subtilité des éclats qui s'y ajustent, donnant un charme inné à cette relation triangulaire d'antan qui apportait un supplément d'âme indéniable au premier volet. Sa réhabilitation, ici, ne fonctionne absolument pas.
À force de vouloir "blockbusteriser" la chose, Muschietti se laisse aller dans la caricature de son œuvre précédente pour finalement tomber dans l'anecdote et cède à tous les caprices de la narration que ses scénaristes voulaient (palpé sans doute par trop de mains) sans trop se verser dans des justifications tangibles. Et comme dit le proverbe : "Le sentiment de trop de cuisiniers gâche le produit fini".
Si on excepte bien évidemment quelques moments de frayeur assez réussis, l'exécution semble céder la place à un trop-plein de pulsions dévorantes qui viennent submerger la souplesse et la teneur créative qu'avait finement élaborée son géniteur lors du premier volet.
On reconnaît quand bien même au réalisateur argentin son niveau de compréhension aiguisé pour le cinéma de l'épouvante grâce à ses combos inouïs de faire cohabiter au sein d'une même scène le tragique et la frayeur qui fonctionne en tout cas, ici, efficacement,
dans la scène avec le personnage de James McAvoy (Billy) s'aventurant dans les lieux où son frère fût tragiquement emporté dans le passé par Grippe-Sou
. Et il tentera de réitérer la même formule avec les autres membres du Club des Losers (puisque chacun à droit à sa propre scène de frayeur), mais cette fois moins percutant que ne laisse penser ses approches scénaristiques qui vont dans ce sens là. Car il y'a des choix scénaristiques totalement arbitraires qui vous sortent littéralement de l'état d'âme de certains personnages qui d'ailleurs force la crédulité du spectateur qui s'est momentanément perdu dans ses rêveries.
Le réalisateur ne pouvait pas éviter la redite lors de leur retour dans la maison abandonnée menant vers les égouts. Il tentera quand bien même de fortifier son panoplie par des dispositifs quelques fois accrocheurs afin d'atteindre le cap du rituel (proprement dit).
Nos héros continueront de s'enfoncer dans les vastes réseaux d'égouts jusqu'à atteindre le terrier de Grippe-Sou comme dans Alice aux pays des cauchemars afin d'extirper une bonne fois le mal à la souche.
La scène dévorante avec Grippe-Sou en version "Titan" reflète l'ambition coupable du réalisateur d'adapter le célèbre mangas japonais : "L'attaque Des Titans" sur grand écran. Son ambition démesuré dans ce second volet pour le gigantisme en témoigne. Cela offre une palette visuelle saisissante qui attire la curiosité de la jeune génération affamée de Titans et l'occasion de donner un aperçu sur le travail actuellement sans relâche des studios de la Warner pour l'adaptation (en live-action) de l'œuvre du génie japonais Hajime Isayama.
Comme si Muschietti ne nous avait pas déjà assommé de son plat à la sauce numérisée qu'il re-serve encore et encore jusqu'à nous mettre hors du ring : il s'en suit une compilation effrénée de toutes sortes d'apparitions inimaginables de la peur, alternant avec des visages familiers aux personnages (comme il sait tant le faire) qui ressurgissent dans les bas-fonds de Derry (comme si tout le monde voulait sa part du gâteau).
Le problème encore une fois avec ce genre de film d'horreur dans le fait que la créature soit présenté comme ayant sans limite (parce qu'aucune proposition ne justifie le contraire) - il se présente souvent dans l'imagination du spectateur telle une entité maléfique à la fois partout et nulle part. Cela annule quelque fois la crédibilité du récit si par ailleurs il ne s'est pas fixé d'avance des mesures - voire des règles qui viennent s'ajuster à la cohérence du fonctionnement de l'antagoniste, ici Grippe-Sou, s'attardant ridiculement à passer au palier supérieur. Ce qui rang parfois les choses plus bête ! Ils préféreront toujours retarder l'inéluctable puisque toutes les issues semblent cruellement se rabattre sur les protagonistes toujours supérieur en nombre et toujours inférieur en atout. Et il suffit d'un petit effort de subtilité dans l'écriture pour finalement renverser la tendance - ruse de scénariste.
Si la mort de Stanley au tout début ne produit aucun effusion dramatique, celle d'Eddie apporte quelques sensations accompagnées de larmes et d'espoirs pour ses camarades. Richie quant à lui semble plus affecté par la mort atroce de ce dernier
. Et se permet même dans les instants les plus tragiques de désamorcer (comme il sait si bien le faire) l'atmosphère tendu par une blague qui vient toujours à point nommé, arrachant au passage quelques sourires chez ses camarades, et leur donne finalement l'occasion de se perdre encore une fois comme des gamins à ces petits jeux d'autrefois dans l'eau.
Quand aux raisons inexplicables de la mort de Stanley au tout début du film, elles semblent se justifier par une lettre (adressée à la bande) qui fait soudainement éruption dans la dernière partie, confirmant en partie ou devrons-nous même dire complètement notre théorie saugrenue de départ. Sa présence n'aura au fond rien servi aux autres membres du Club. Son absence par contre aurait peut-être changé quelque chose sur la donne finale, étant donné par ailleurs que Beverly aurait en amont aperçu en rêve leurs morts à tous. Cependant elle n'explique pas dans quel contexte cela aurait pu se passer. Comme si, Stanley le "friand" des jeux de puzzle aurait intelligemment déjoué quelque part les plans de Grippe-Sou, en choisissant de se sacrifier pour que perdure encore une fois cette belle monument de l'amitié toujours prêt à braver n'importe quelle danger, puisqu'il affirme à travers sa lettre que c'était la seule suite logique. Et la belle citation de Billy vers la fin à propos de l'amitié répond entièrement au choix (irrévérencieux) de Stanley qui demeurera à jamais malgré sa disparition - avec Eddie y compris, dans le cœur du Club des Losers.
"Ça : Chapitre 2" aura en somme cumulé des instants de bravoure et de déception. La faute sans doute à un cahier des charges titanesque qui mise de façon absurde à un agrandissement démesuré de son spectacle quitte à sacrifier les éléments indispensables qui faisaient le charme du premier volet ici, se verront charcuter par des mains grossières émanant de son géniteur qui semble démissionner du projet, pour nous livrer au final une performance trop sage dans l'ensemble et peut rentable pour rivaliser avec l'esprit du premier volet.