"Quand une femme aura surmonté la mort de son mari, elle sera reine", telle est le proverbe jamaïcain rapporté par une Islandaise qui explique le titre, et déjà cette explication nous donne une idée de fourre-tout complexe qui sert de toile de fond à l'histoire. Donc, Agathe, réalisatrice de documentaires, est mariée depuis huit ans, elle habite à Montreuil dans un grand appartement au fond d'une cour qui se rapproche du phalanstère, compte parmi ses voisins son seul coup de canif au contrat de mariage, et dans un pays où il y a des pousse-pousse, son mari est tombé raide-mort, ce qui fait qu'elle ramène ses cendres dans une urne.
Solveig Anspach oblige, ses voisins à la douane sont islandais, elle est poétesse, revient de Jamaïque où elle vient de se remarier et où elle a déjà un fils, et avec son autre fils 100 % islandais elle vient se plaindre de la perte de sa valise qui contenait justement sa robe de mariée rose. Vous me suivez ? Arrivée à Montreuil, Agathe tombe comme de juste sur Anna et Úlfur, et ils réussissent à se faire héberger. Très logiquement, quand deux Islandais arrivent à Montreuil, que font-ils ? Lui découvre au Zoo de Vincennes en travaux le seul phoque qui a été oublié lors du déménagement, et elle grimpe en-haut d'une grue pour écrire des poèmes en fumant de la beuh et en écoutant Peer Gynt. Arrive le grutier, amateur d'herbe jamaïcaine, et hop, voilà Anna embauchée !
Ah, j'ai oublié de le dire, chez les Islandais apparemment le phoque est le receptacle favori pour la réincarnation. Tout cela sans évoquer le gérant de la laverie-cybercafé, le copain qui taxe 5 euros par 5 euros, la bonne copine qui propose une méthode imparable pour faire son deuil, la maîtresse du mari qui prend Agathe pour sa femme de ménage et les deux amis à Reykjavik qui racontent par Skype la mobilisation contre les conséquences sociales de la banqueroute du pays. Le fil conducteur est donc Agathe, jouée par une Florence Loiret-Caille à l'impassibilité keatonienne et qui transmet au spectateur son état d'hébétude légèrement hallucinée. Avec plus de finesse que Julie Delpy, Solveig Anspach joue sur les difficultés de la traduction entre français, anglais et islandais, et l'expression "dead husband" semble ramener Agathe à sa réalité bien plus que la présence de l'urne devant l'aquarium.
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