Ecrire sur Khavn de la Cruz est compliqué... Cet enfant terrible du cinéma philippin combine tous les extrêmes en un film...
Si le réalisateur compare le succès de Mondomanila à sa sortie aux Philippines à celui du Fabuleux destin d’Amélie Poulain en France… la comparaison n’ira pas plus loin !
Mondomanila est un plaidoyer catartique, punk, gore, scato, trash, mais aussi et surtout très drôle !
Adaptation du roman éponyme de Norman Wilwayco (Primé du Pullitzer philippin), le film (son 28è long métrage !) suit le personnage d’Anthony « Tony » de Guzman né dans un bidonville de Manille. Vêtu d’un t-shirt Baby Jesus il nous entraîne dans sa vie remplie de désillusions et de cafards en nous vantant les bienfaits de la drogue, du sexe et de l’alcool pour oublier la misère. « What the fuck is the only solution ! »
Présenté comme « A never-before-seen-footage » le très libéré Mondomanila enchaîne claque sur claque avec des scènes aux styles et effets variés : noir et blanc puis couleurs flash saturées, images déformées, saccadées, fausse publicité (La seinoise version philippine !), extraits documentaires, comédie musicale…
Après une première séquence, franchement gore, épreuve d’initiation à la zoophilie sur une oie… ce collage hétéroclite s’attaque à grands coups d’humour noir à l’homophobie, la pédophilie, la criminalité… Et on en rit !! L’envie de s’amuser pour oublier la misère est transmise !! A l’image de ses enfants que l’on voit s’ébattre dans les décharges au début du film.
Un objet filmique haut en couleur impossible à mieux décrire... Coté musique, là aussi du lourd et même quelques balades presque romantiques… Prêt pour l’expérience Khavn ? Vous avez l’embarras du choix le cinéaste est plutôt prolifique, une centaine de courts métrages et 31 longs à son actif !!
A l'issue de la projection lors du festival Paris Cinéma 2012, on a aussi parlé Khavn et moi…
A ma grande surprise, Khavn De la Cruz se présente comme « un poète et fictionniste » ! (Et pourquoi pas organiste baroque tant qu’on y est ?) Il me parle de la beauté que l’on peut voir n’importe où, il pourrait faire une très belle photo là maintenant où démarrer un film…
Passionné de musique et de littérature, il me confie s’être mis un beau jour à faire un film pour concilier ses deux passions, depuis il n’a plus pu s’arrêter et regrette même de ne pas pouvoir se consacrer plus à l’écriture de poèmes et à la pratique du piano (c’est lui que l’on voit jouer d’ailleurs dans le film !).
Mondomanila est né à la base un court-métrage adapté d’une nouvelle, la nouvelle devenue roman, Mondomanila est devenu long. Tourné en 5 jours sans répétition (sauf pour les chorégraphies), avec un casting à moitié professionnel mais avec de grands noms du théâtre philippin, le film a été adoubé par la critique philippine et maintenant le monde entier. Primé au festival de Rotterdam en janvier 2012, la notoriété de ce film sorti en 2010 a entraîné rétrospectives et nombreuses diffusions à travers le monde.
Par ce film, le réalisateur a voulu ouvrir un nouveau regard au public, il souhaitait que l’expérience soit différente du roman très réaliste. A la base Khavn avait écrit un scénario plus proche du roman, mais il était trop long et ne disposait pas d’assez d’argent. Finalement seule l’essence de l’écrit a été gardée, et malgré sa mise en scène surréaliste il dit toucher une réalité. Si le récit est non linéaire c’est bien sûr dû à la structure du roman mais aussi car il évoque des souvenirs d’enfance. À travers la voix de l’écrivain, Khavn a réussi à imposer son style et son univers.
Combat de boxe entre esprit de génie et de gamin, je recommande aux amateurs de sensations fortes ce film coup de poing !!