Revoir ce film est autant une expérience émotionnelle incomparable que l'épreuve d'une nostalgie pour la grandeur du cinéma italien qu'on a laissé mourir. Ermano Olmi, comme nombre de ses confères italiens est un cinéaste du peuple, qui le regarde droit dans les yeux, avec tendresse, sans démagogie, et surtout sans la condescendance que lui portent souvent les cinéastes bourgeois. Les gens de la terre portraiturés dans cette fresque unique et rare nous sont montrés sans complaisance, sans aucune affèterie, sans solennité, parce qu'Ermano Olmi les connait aussi bien que Georges Rouquier, Farrebique étant le film auquel on peut comparer directement l'Arbre aux sabots. Un titre d'ailleurs énigmatique puisqu'il n'est question de cet arbre que dans le dernier tiers du film, cependant un titre qui sous-tend le drame inéluctable qui pèse sur une des familles paysannes de l'histoire. Olmi décrit le quotidien de paysans italiens de la fin du dix neuvième siècle, avec le grand-père qui transmet le savoir de la terre à ses petits enfants, avec ses veillées au coin du feu qui réunissent les familles, avec le labeur des journaliers, vécu comme une respiration naturelle, bien qu'il soit rude. Les hommes et la nature ne font qu'un dans cet univers paysan, dépeint à une époque et un endroit précis, mais peuplé de personnages universels. Au passage, on peut se demander pourquoi des personnages si représentatifs d'une large majorité d'humains sur terre, sont si peu présents au cinéma. Métaphoriquement, la dernière séquence donne un élément de réponse. Les ouvriers, les gens de la terre, sont une propriété. Palme d'or en Cannes en 1978, après que Padre Padrone des frères Taviani l'ait obtenu l'année précédente. Un chant du cygne.