A la fois héritier du néoréalisme et du naturalisme zolien, Ermanno Olmi signe un film lent, minutieux, et quasi documentaire sur la vie paysanne italienne du XIX° siècle. Vainqueur de la Palme d’Or en 1978, L’arbre aux sabots fit office de film à message politique, dans la lignée de 1900 de Bertolucci par exemple. Néanmoins, il s’avère assez interprétable et objectif : d’une part, on constate que les paysans étaient dépendants de la santé de leur vache, du temps de la saison prochaine, etc. Aléas que le progrès technique anéantira. D’autre part, le film nous montre cette époque comme un temps révolu où existaient encore solidarité, fraternité, respect et honnêteté. Alors la politique, l’ambition, l’argent arrivèrent et troublèrent la paisible communauté, comme en témoignent le discours démagogique du jeune ambitieux sur la place publique, la venue du commerçant arnaqueur ou la découverte de la fameuse pièce d’or. Ces évolutions aboutissent à un monde où la morale disparaît (en ville, la bataille sanglante entre forces de l’ordre et manifestants), ainsi que la religion comme il est dit par un des voyageurs sur la barque. Ce nouveau monde vient corrompre les hommes jusque dans la ferme isolée (pièce d'or), ce qui mène à la scène finale. Mais au-delà des messages, le film est une ode aux choses simples, comme l’amour d’un père pour son fils qui va lui fabriquer lui-même un nouveau sabot dans la nuit, ou d’un vieil homme pour sa petite fille qui lui explique sa recette secrète pour faire pousser les tomates prématurément. Fidel à son habitude, Olmi engage des acteurs non professionnels, c'est-à-dire de vrais paysans de la région où eut lieu le tournage (Bergame). Esthétiquement aussi l’œuvre renvoie à la peinture réaliste, s’inspirant notamment des Glaneuses de Millet dans une séquence. Bref, L’arbre aux sabots est bourré de qualités, c’est un film unique et puissant, mais il perd légèrement son spectateur quand il s’étend en longueur inutilement.