Revoilà Ridley Scott, metteur en scène s’étant finalement caractérisé par l’immense catalogue de genres qu’il aura proposé tout au long de sa carrière. De la science-fiction au polar, en passant par le fantastique ou le film d’espionnage, le réalisateur britannique n’a jamais démérité pour ce qui est de faire revivre le Péplum, cette fois-ci biblique. Oui, après Gladiator, Kingdom of Heaven et Robin des Bois, entre autres, le réalisateur s’attaque de front aux dix commandements, à l’exode du peuple hébreu et plus particulièrement à Moïse, personnage emblématique de l’ancien testament. Le projet est audacieux, sans doute l’est-il trop pour les distributeurs et les producteurs. Sujet à de nombreuses coupes, le film étant destiné, à l’origine, à une durée de 4h00, Ridley Scott ne semble pas pouvoir se sortir gagnant de cette vaste entreprise, travaux artistiques et scénaristiques dont il n’est plus maître dès l’implication du studio dans le redécoupage de son œuvre. Alors, au sortir d’un visionnage de deux heures et trente minutes, nous voilà dubitatif face à un produit qui prend l’apparence de quelque chose d’inachevé.
On loue pourtant l’effort du metteur en scène, formidable vendeur d’images spectaculaires, efficace artisan du cinéma pour l’occasion incompris. A l’image du Noé de Darren Aronofsky, sorti quelques mois plus tôt, Ridley Scott prend d’énormes libertés, s’approprie le texte biblique pour concentrer l’attention du public sur la dimension épique de cette confrontation entre deux peuplades. L’implication de Dieu, ici sous l’apparence d’un jeune enfant, plutôt ingénieux, s’avère elle aussi calibrée de manière à ne pas alourdir le long-métrage. On constate alors que Ridley Scott avait une idée très claire de son produit fini, vœu mis à mal par un découpage catastrophique notamment lors des premières et dernières parties du film. De son statut de prince d’Egypte à celui de guide du peuple hébreu, il s’en passe des choses pour Moïse. Nous avons alors l’impression, hormis en ce qui concerne les fameuses plaies d’Egypte et l’Exode, incluant l’épisode de la mer rouge, que le scénario passe comme chat sur braises d’un nombre incalculable de séquences. Ces dernières, effacées lors du montage, aurait sans doute permis une meilleure lecture des évènements, leur donnent plus de consistance narrative. Mais aurait-on souhaité un film d’une durée astronomique de 4h00?
Exodus : Gods et Kings, est finalement le témoin de l’embarras qui règne sur les plateaux des grosses productions américaines. Incertitudes commerciales, désaccords entre les créatifs et les financiers, manque de confiance accordée aux metteurs en scène, ce type de produit, audacieux, onéreux, n’est-il pas finalement destiné à décevoir? Plaçant toutes ses attentes sur le dos d’un réalisateur prodigieux, quoiqu’inégal, le public ne peut que constater le manque de solidité d’un film qui n’est finalement qu’une vitrine de différents savoir-faire. On pense là au prodigieux casting, Christian Bale en tête. Le comédien, fort d’un charisme flamboyant, se débat tant bien que mal dans un mélange des genres inassumé, au même titre que Joel Edgerton, lui en mode j’en fais des caisses. On notera aussi les présences, pour certaines convaincantes, celles d’Aaron Paul ou Ben Kingsley, et pour d’autres affligeantes, John Turturo en pharaon et Sigourney Weaver, en plein cabotinage.
Décevant dans sa forme, décevant car inabouti, l’exode de Ridley Scott ne fera sans doute pas date malgré tous les efforts déployés. On retiendra finalement la qualité de la photographique, l’excellence des scènes ayant trait aux plaies et finalement la beauté des décors naturels. On ne retiendra en revanche rien, ou presque, des prestations des comédiens, du scénario bâclé et des scènes parfois grossières d’explosions de CGI. 09/20