Un humain pas très dégourdi, un oeuf que personne n'oserait déguster à la coque, un bidule arachnéen prêt à violer tous les orifices buccaux qui l'approchent, des maux de ventre à rendre vert de jalousie tous les vers solitaires de l'univers et, SPLASH, un petit xénomorphe mignon tout plein qui découvre les lumières du monde à travers les entrailles de l'humain pas très dégourdi du début. Le cycle de la vie, c'est beau, hein ?
Vous connaissez la suite... Pour la faire vite : généralement, quand c'est bien, il y a Sigourney Weaver qui rôde dans le coin en train de buter ces bestioles pleines d'acide fluo au fin fond de l'espace et, quand c'est mauvais, il y a des Predators et des acteurs qui gênent l'ensemble de la profession en train de faire à peu près pareil mais sur Terre.
La dernière fois qu'on a vu un drôle de truc qui louchait sérieusement vers un look xénomorphien tendance automne/hiver, c'était dans ce film bizarroïde qu'était "Prometheus". Après des mois de "oui-non" sur la présence d'aliens, Ridley Scott avait finalement pondu un prequel à la saga originale avec une histoire d'humains partant sur les traces d'Ingénieurs extraterrestres, créateurs la vie sur Terre et blablabla... Esthétiquement léché et doté d'un casting plutôt chouette (Noomi Rapace en tête, parfaite en héroïne relève de Ripley), "Prometheus" se montrait hélas moins convaincant sur le fond : une fois ces grandes idées de trouver les origines de l'humanité à des zilliards de kilomètres de la Terre mises en place, ben, il ne restait qu'une grosse baudruche scénaristique qui, au terme de son ultime souffle d'air, faisait débouler un tout jeune "néomorphe" aussi perplexe que nous de se retrouver embarqué dans cette étrange affaire...
Nous voilà donc cinq ans plus tard avec cette suite de "Prometheus" qui a pris en cours de route le nom bien plus attractif de "Alien: Covenant". Eh oui, cette fois, Papy Ridley Scott (qui veut être apparemment enterré dans un cercueil en peau de xénomorphe) nous le promet : il y aura de l'alien partout aux quatre coins de l'écran avec, en bonus, un retour aux sources de l'angoisse du premier opus de la saga. Même si on n'oublie pas les grosses lacunes de "Prometheus" et que cette suite a enterré le beau projet de Neil Blomkamp de nous ramener Sigourney Weaver dans un "Alien 5" , on est plutôt plus que preneur de toutes ces belles intentions. Mais il va falloir être sacrément à la hauteur, hein, Papy Ridley !!
Bon, mettons les choses au clair tout de suite, ce ne sera pas le cas.
En écrivant un "Alien" dans le titre, Ridley Scott nous a encore roulé dans la farine en livrant un film qui ne joue clairement pas dans la même catégorie que la saga originelle (cela reviendrait à assister à une bataille entre un petit caneton et un dobermann si l'on osait une quelconque comparaison), ce que le réalisateur a sans doute toujours voulu faire, c'est une suite de "Prometheus" et, pour cela, quoi de mieux que de nous la refourguer comme un véritable prequel de la franchise "Alien" pour faire passer la pillule.
L'excellente scène d'introduction pose d'ailleurs cet état de fait assez directement : oui, on n'en a pas encore fini avec toutes ces histoires de création originelle (et les blablabla qui vont avec) !
Et la première partie va continuer dans ce sens...
L'attractivité de la découverte d'un vaisseau spatial et de ses occupants, ça fonctionne toujours, ok, une scène de réveil chaotique assez brillante ou la première apparition suivie d'une attaque nocturne de nos copains néomorphes, ok , ok, ça fait bien illusion mais on se rend quand même bien compte que tout ça semble rapidement expédié : si l'on excepte deux ou trois têtes connues (Billy Crudup, Danny McBride et un caméo rigolo), les membres du nouvel équipage sont transparents, le personnage de Katherine Waterston (qui n'arrive pas à la cheville d'Ellen Ripley ou au bassin d'Elizabeth Shaw) est irritante, écrite à la truelle et passe son temps à nous infliger son regard tristounet (on a bien envie de construire sa fameuse cabane de rêve et de l'enfermer dedans !).
Bref, impossible de s'attacher à tous ces nouveaux arrivants tant ils ne semblent être là que pour servir de simple chair à canon à nos chères bestioles (et ce sera le cas).
Mais il y a pire, c'est un enchaînement invraisemblable de grosses ficelles scénaristiques pour amener tout ce petit monde le plus rapidement possible vers ce qui reste des éléments du premier "Prometheus" et qui ne s'embarrasse d'aucune logique en plus. Sans trop en dire, il y avait une chance sur 90 milliards pour que cela se produise et le film enfile les merveilleux hasards pour nous y amener (éruption stellaire, le bon endroit au bon moment, une tempête, etc). Même arrivés sur la fameuse planète, les protagonistes semblent courir se jeter droit dans la gueule du loup sans se poser de questions ou analyser suffisamment l'environnement qui les entoure. Et les dialogues/lapalissades atteignent des sommets pour faire passer tout ça ("Qu'est-ce que c'est ça ?/Il semblerait que cela soit un véhicule." Ben oui, c'est un vaisseau spatial de 2 kilomètres de long planté dans une montagne droit devant vous, les gars, pas une banane géante)...
On assiste donc à une version en accéléré du premier opus jusqu'à ce qu'arrive enfin ce qui deviendra l'arc majeur du film et ce pourquoi, à ne pas en douter, Ridley Scott nous a appâté en plaçant des "aliens" partout durant la promotion du film...
Cette partie centrale du film ressemble en quelque sorte à un épilogue oublié de "Prometheus" où enfin les thématiques de cette mini-saga reprennent le devant de la scène avec un personnage-clé de cette mythologie. Si l'on excepte une scène hilarante de "Souffle-moi dans ta flûte/Je te dirai qui tu es" (mieux ne vaut pas s'attarder sur la symbolique phallique de celle-ci), il faut avouer qu'il y a bien effectivement quelque chose de fascinant aux agissements et aux buts recherchés par cet être, le film n'est peut-être pas à la hauteur de sa complexité mais on sent un Ridley Scott bien plus appliqué que sur le reste pour, sinon nous la faire comprendre, nous la faire ressentir. En ce sens, cette partie contient la plus belle séquence du film, un flashback destructeur qui en met plein les mirettes.
Toujours dans cette optique et comme pour nous récompenser d'avoir suivi cet arc avec attention, le papa du premier "Alien" laissera enfin sortir notre bébête préférée de sa cage cinématographique dans ce qui est sans doute son plus chouette jaillissement de ventre humain qu'on ait vu à l'écran.
Voilà, Ridley Scott était tout content, il avait enfin conclu ce qu'il avait voulu nous raconter avec le premier "Prometheus", il allait rendre la clé du studio quand, soudain, quelqu'un a dû lui rappeler qu'il devait vendre ce "Prometheus 2" dans un écrin d'"Alien" sanglant et terrifiant. Ni une, ni deux, le bonhomme a révisé des mauvais films d'horreur des années 80 et a pondu une dernière partie copiée/collée du premier "Alien" mais sous forme de slasher grotesque (avec même une scène de sexe sous la douche qui tourne au bain de sang et un twist final que l'on voit arriver à des années-lumières à la ronde). On préférera poliment oublier ce dernier acte un brin gênant si ce n'est le fait que l'héroïne en passant au premier plan prend enfin une certaine envergure, pas encore à la hauteur de ses deux précédentes consoeurs, certes, mais plutôt prometteur quant aux suites à venir. La conclusion, elle, terriblement prévisible aura au moins la bonne idée de se teinter d'une certaine noirceur bienvenue.
On était venu voir un brillant "Alien", on a vu "Prometheus 2" avec quelques extensions xenomorphienne heureusement sanglantes. On se consolera en se disant que c'est toujours meilleur que son prédécesseur et prometteur pour un avenir prochain si cela continue à aller en s'améliorant. Mais le temps où Ridley Scott marquait d'une empreinte indélébile l'histoire de la science-fiction au cinéma en allant jusqu'au bout de ses intentions semble, lui, révolu.