Alors qu'il s'était lamentablement ramassé en Amérique avec son Hitman schizophrène (d'ailleurs son premier film distribué), The Divide semblait donner un nouveau souffle à sa carrière : DTV fort sympathique parlant de fin du monde et de vice humain, il faisait oublier le vulgaire Frontière(s), inutilement violent comme beaucoup de films d'horreur français de l'époque. Il marquait également la fin de ses réalisations de film de genre, le récent Budapest venant annuler l'attente que l'on pouvait avoir concernant son avenir de réalisateur de thriller ultra violent.
C'était ne pas se douter qu'aller sortir Cold Skin, petite production indépendante espagnole à l'intrigue intéressante. Deux hommes reclus dans un phare qui doivent survivre face à des hordes de monstres amphibiens revenant comme au sein d'un rail-shooter renvoyait à ces vieux films de monstre un peu parano (puisque sortis en pleine guerre froide) qu'on aurait mêlés aux western à la Wayne, époque Rio Bravo.
Le personnage campé par Ray Stevenson tient d'ailleurs tout du cowboy solitaire, au moment où son compagnon d'infortune, un David Oakes tournant son premier long-métrage, représentera mieux les héros précieux, souvent riches ou nobles, des Dracula de la Hammer (ceux avec Christopher Lee). On croirait voir le jeune compte de Dracula, prince des ténèbres qui se serait rendu héros bien plus tôt que prévu.
S'il commence très bien par la présentation de ses personnages, on relèvera surtout ses images de décors et d'extérieurs dignes de tableaux; visiblement à l'aise avec le décors maritime, Gens s'en donne à coeur joie dans les teintes ternes, grisâtres, en éclaboussant d'une mer déchaînée ses cadres joliment composés. C'est quand surgira le moment de filmer les intérieurs qu'on remarquera les premiers signes de défaillance de sa mise en scène, qui passera de l'évocation de tableaux fantastiques à des champ-contrechamp beaucoup trop communs pour maintenir la bonne veine de ses débuts.
Dès lors, tout surviendra trop vite : les rapports entre les deux personnages s'enveniment trop tôt, tout comme les attaques surviennent trop rapidement. Si cela permet de ne pas étendre inutilement le temps, il reste évident que cela jure avec les débuts posés de son intrigue, renforcés par la narration au ton historique de son personnage principal. L'immersion étant tout de même réussie, l'arrivée du fantastique permet de revoir des plans larges sublimes, certes ternis par quelques effets spéciaux pour quelques uns trop voyants, mais jouissant d'une couleur et d'une ampleur réjouissantes pour un petit film de genre indépendant.
C'est après les premières attaques que le tout se gâtera : l'arrivée d'un love-interest signait la fin de l'indépendance de l'oeuvre, qui passa alors du petit film surprenant à l'histoire de survie banale américaine, avec heureusement quelques détails sombres pour tempérer sur la beauté du personnage féminin (pas forcément celui auquel on s'attendrait) ainsi qu'une conclusion d'histoire loin du pathos annoncé.
C'est parce qu'il est en demi-teinte que Cold Skin empêche de rentrer pleinement dedans : rien ne semblant être poussé jusqu'à son terme, on ressent finalement une certaine impression de vide à l'issu, d'avoir suivi un divertissement certes très sympathique, mais beaucoup trop commun et inabouti pour en retenir des images autres que ses passages de défense de phare esthétiques et joliment construits en écho des précédents (ou des suivants).
Pas trop tourné sur l'action non plus, il développe heureusement bien ses personnages et les amène logiquement sur un climax plutôt bien écrit, qui témoignera, une nouvelle fois, du manque d'inspiration de Xavier Gens sur ses conclusions en intérieur (chose qu'il abandonnait totalement avec l'excellent The Divide) et ses compositions d'architecture de maison (il paraît difficile de pleinement se représenter le phare, alors que sa bâtisse n'est pourtant pas bien complexe).
Manquant parfois d'un peu de finesse, Cold Skin se réduit à la série b fantastique agréable quand il pouvait pousser son lyrisme et étudier la beauté d'une relation entre espèces différentes, y aller au pinceau plutôt qu'aux sabots. Le tableau qu'il nous peignait au début s'étant mué, peu à peu, en esquisse de film d'action esthétisé mais bourrin, il laisse un grand arrière goût de déception en bouche.
Du potentiel gâché, qui ferai cependant un excellent jeu-vidéo, à condition de respecter son esthétisme travaillé.