Exquis, absolument savoureux et envoûtant : voilà ce que j'ai pensé de Ma nuit chez Maud. En ce moment j'essaie de découvrir un peu le vieux cinéma français, notamment la période de la Nouvelle Vague en testant au hasard quelques "grands" cinéastes. Après Godard et Truffaut, j'ai donc essayé Eric Rohmer et c'est pour l'instant ce film qui m'a le plus conquis. Un film qui parle de la vie, de l'amour, des principes bouleversés, s'aidant magnifiquement de la philosophie et des mathématiques pour parler de religion (Blaise Pascal étant au coeur des discussions). J'ai été hypnotisé pendant presque deux heures, sans pouvoir décrocher mes yeux du film dont la grande force se trouve dans les dialogues. Ma nuit chez Maud est un film qui va me rester longtemps en tête et pour cause, il fait partie de ces rares chefs d'oeuvre que j'ai envie de revoir immédiatemment après le générique de fin. Même si ma réaction est quasiment une réaction à chaud, emballée par l'euphorie que m'a procuré le film, je suis convaincu que je vais revoir ce film de nombreuses fois tant j'ai adoré chaque conversation. Le film est un enchaînement de discussions extrêmement riches, les personnages échangeant des idées, des ressentis sur la vie, la religion, l'amour. La première conversation entre Jean-Louis et Vidal m'a captivé, les deux personnes abordant un sujet que j'adore et qui fait partie de ma vie quotidienne : les deux protagonistes discutent d'un lien entre les mathématiques et la vie, en parlant notamment de l'espérance mathématique. Il est rare qu'un film aborde les mathématiques de manière aussi fine et intelligence. Quand j'ai senti que le film allait poursuivre dans cette direction, avec des discussions toujours plus passionnantes, je n'ai pas pu m'empêcher de sourire, de jubiler intérieurement tant les dialogues sont parfaitement écrits et recherchés. Les personnages s'écoutent, dialoguent, argumentent, donnent des exemples, évoluent et se remettent en question. J'ai trouvé tout ceci absolument prodigieux, l'écriture étant pour moi très juste, à la limite de la perfection. Eric Rohmer s'amuse à glisser des raisonnements logiques et scientifiques au coeur même des phrases. Il y a de la logique mathématique dans la syntaxe des propos, que ce soit à travers les exemples énoncés ou de simples formulations, allant même jusqu'à utiliser le principe du tiers exclu. Bon, bref, Eric Rohmer m'a séduit dès le départ et le film n'a jamais cessé de m'hypnotiser, soit par les dialogues subtils et intéressants, soit par les regards fixes et pleins de non-dits entre des personnages qui se rencontrent pour la première fois. Il n'est pas facile, dans l'écriture, de se faire rencontrer deux personnages pour la première fois, notamment lorsque cette rencontre est originale, pleine de confidences hâtives. Jean-Louis rencontre ici deux femmes et, en dépit son apparente timidité - ou disons plutôt de son respect des conventions de société - il tisse avec ces deux femmes des liens très forts dès le début, en se confiant plus qu'il n'est coutume de le faire et en partageant des choses qu'on ne partage pas habituellement avec des inconnu(e)s. Et pourtant, les scènes sont réalistes, délicates, délicieuses même, parce que de ces rencontres inhabituelles nait chez le spectateur (en tout cas chez moi) une fascination ultime pour l'intrigue et les personnages. C'est grandiose et intelligent. Qui plus est, Eric Rohmer ne s'arrête pas à une simple "Nuit chez Maud" comme je le croyais au départ, il va bien plus loin, rendant l'intrigue plus complexe qu'elle ne l'est au premier abord. L'évolution des personnages est charmante, notamment "5 ans plus tard" sur la fin du film. Eric Rohmer aborde ici un grand nombre de sujets essentiels et parmi ceux-ci figure l'amour. En deux heures à peine, Rohmer m'a fait sentir qu'il avait tout compris à ce qu'il racontait, en présentant des personnages loin de tous les clichés, des situations à 100 lieues des scènes qu'on se tape actuellement au cinéma (jalousie, crises de nerf, mensonges). Sur la fin du film, le personnage de Jean-Louis est l'incarnation du mec qui a tout compris en amour. Il n'y a pas de complications, uniquement de l'honnêteté et de la sincérité chez un homme qui semble avoir saisi la "bonne manière" de vivre en communauté. "Moi aussi je choisis. Mais il se trouve que mon choix est toujours simple". Voilà comment Rohmer, en une phrase et à travers le personnage de Jean-Louis Trintignant, nous fait comprendre que la meilleure façon de vivre est de vivre simplement, sans chercher à compliquer ses choix. Chaque réplique est brillante et l'intelligence des personnages me fascine, interprétés par des acteurs convaincants et aux regards évocateurs. Un vrai délice.
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