Ma nuit chez Maud est un film de Rohmer faisant partie de la série des Six contes moraux. Il est en noir et blanc. Et comme son non l'indique, il raconte une nuit particulière chez Maud, pédiatre, interprétée par la fabuleuse et irrésistible Françoise Fabian.
C'est l'histoire de Jean-Louis [Trintignant] ingénieur de formation, qui revient vivre en France du côté de Clermont afin de travailler chez Michelin. Matheux par sa formation, il s'intéresse aussi beaucoup à la philosophie de Pascal, qui comme lui aimait les mathématiques et la philo. Il rencontre par hasard Vidal, un ami perdu de vue, enseignant en philosophie à l'université. Il lui présentera alors Maud.
Cette histoire nous parle (encore) d'amour mais elle se double aussi d'une réflexion morale, religieuse et philosophique. On voit toutes les barrières qui empêchent d'assumer son désir et de se laisser porter par lui. Pourquoi croire qu'une fois qu'on a choisi d'aimer une personne, on n'en aimera plus une autre, juste pour la bonne raison qu'on est chrétien. Pourquoi avoir honte d'avoir aimé, de s'être trompé alors qu'il s'agit simplement de choses naturelles de la vie. Plus les échanges chez Maud avancent, plus on met à jour une certaine hypocrisie chez Jean-Louis.
"Vous êtes un chrétien honteux, doublé d’un Don Juan honteux." En effet, le christianisme revendiqué de Jean-Louis cadre mal avec l'époque post soixante-huitarde, et plus généralement avec la France du 20ème siècle. En pleine libération sexuelle, cela semble anachronique. Mais le décalage est double tant il minimise son côté coureur et ne veut pas s'avouer sa propre concupiscence. Cela frôle parfois l'hypocrisie. Et toutes ces tensions sont constamment résolues par Maud qui dit fort justement que "Courir les filles, ça ne vous éloigne pas plus de Dieu que les mathématiques !"
Ainsi, peu à peu, en s'ouvrant, Jean-Louis parvient à admettre que: "Les femmes ont toujours contribué à mon progrès moral." Mais attention à Maud qui révèle qu'elle est méchante.
Cette nuit chez Maud est le pivot du film. Avec ce noir et blanc, ce cadre intimiste dans l'appartement avec des plans soigneusement découpés, des séquences qui s'enchaînent avec précision. L'usage méticuleux du champ, contrechamp. Ces cigarettes omniprésentes, ces lampes qui vont peut à peu s'éteindre. C'est du cinéma de la précision dans cette intimité qui est pourtant si ouverte.
Le scénario quant à lui ménage des rebondissements savoureux qui installent une incertitude. Car oui, en amour, chacun arrive avec son passé en bagage. Mais qu'en est-il lorsque ce passé est pivot de la relation future. C'est ce qui arrive avec l'omniprésente Françoise que rencontre Jean-Louis. Dès le début, il est sous le charme. Et pourtant, parfois, un amour a besoin d'un catalyseur. Et quel meilleur catalyseur que la fabuleuse Maud ?
Film mettant un peu de temps à démarrer, brillant dans sa partie chez Maud puis haletant dans son dénouement, Ma nuit chez Maud, c'est la maîtrise des personnages, du cadre, mais surtout l'abandon d'une certaine morale qui ne fait qu'entraver le désir. On ne peut être que subjugué parla délicieuse Françoise Fabian et le formidable Jean-Louis Trintignant.