Suivant le sens dans lequel l'on comprend la religion, celle-ci peut être pacifiste ou va-t-en guerre. Mais est-ce que tous les actes peuvent être, voire même doivent être, déterminés par la religion ? Cette dernière dicte des choix mais ne peut dicter une vie. Or, *Hacksaw Ridge* semble se concentrer sur la religion comme règle de vie, règle de tout au final. C'est ce qui finit par piéger un film qui ne démérite pas pourtant.
Mel Gibson est de retour au premier plan, récompensé par une nomination en tant que réalisateur, 21 ans après *Braveheart*, un record dans l'histoire des Oscars. A vrai dire, sa réalisation est très académique, très classique, comme son film. Ce n'est qu'un film de guerre qui ne se démarque pas ou plutôt qui n'arrive pas à se démarquer. C'est dommageable mais pas surprenant: le film conte l'histoire extraordinaire du soldat Desmond Doss, objecteur de conscience refusant de porter une arme et de tuer quelqu'un, qui sauva héroïquement plus de 70 vies lors de la bataille d'Okinawa pendant laquelle il était mobilisé en tant qu'infirmier après avoir négocié avec l'armée, qui voulait le condamner pour désobéissance auprès de ses supérieurs. Le film se coupe donc en deux parties, une première consacrée à l'avant-combat où Desmond doit lutter pour se faire accepter par l'armée, et une deuxième qui nous permet de le suivre pendant la bataille d'Okinawa où il réalisa son acte héroïque lui valant la Medal of Honor, première pour un objecteur de conscience. Si le film en lui-même est très classique, c'est surtout à cause d'une première partie fade emplie de personnages touchants, comme le père de Desmond, que l'on oubliera finalement dans la deuxième partie du film, plus intéressante, surtout au niveau technique où le travail post-réalisation est immense. Mais forcément va-t-on dire, pour retransmettre à l'écran un tel acte exceptionnel, Mel Gibson ne peut s'empêcher de surjouer le côté héroïque de son protagoniste à travers de multiples plans au ralenti qui deviennent barbants et d'une musique qui, si elle est muette le reste du film, sait se faire entendre (un peu trop) dans ces moments solennels où le combat déshumanise les êtres qui y prennent part.
Et pourtant, dans cet affrontement bestial, animal, la lumière surgit de Desmond qui représente en quelque sorte la vie au milieu de ce théâtre où la mort guette ses personnages à tout instant. Et Andrew Garfield s'illustre très bien dans la peau de ce héros de guerre américain grâce à son jeu qui sait retranscrire les fortes convictions de Desmond et son immense courage pour les revendiquer et les appliquer surtout. Malheureusement, il emporte tout sur son passage, les personnages secondaires en tête, ces derniers sentant la caricature à plein nez. Ils sont là mais leurs noms nous échappent au point de ne retenir que le protagoniste. Il y a ce compagnon antipathique au départ qui finit par devenir complaisant pour comprendre les croyances de Desmond, ce capitaine, interprété par Sam Worthington, que l'on aurait aimé moins transparent, la copine puis femme de Desmond, insignifiante et pourtant rare personnage féminin dans ce monde de testostérone, le père vétéran de la Première Guerre mondiale et alcoolique, la mère attentive et brutalisée par son mari: bref, vous avez compris, le film n'est pas du tout original dans sa galerie de personnages que l'on pourrait retrouver dans d'autres films de guerre. Et Mel Gibson, en réalisateur appliqué, bon élève mais égoïste, sacrifie nombre de ses acteurs au profit de celui qu'il veut glorifier: Andrew Garfield alias Desmond Doss. Il pense pouvoir glorifier son acte en appuyant la violence qu'il filme de manière crue dans la deuxième partie, cette ultra-violence qui qualifie la guerre où l'humain n'a pas plus droit de citer, afin d'ajouter encore plus d'héroïsme à cet acte accompli dans des conditions difficiles. Hélas, le réalisateur ne se satisfait que lui-même avec son besoin de transcrire une violence brutale qui n'est propice à aucune réflexion, les nombreux objets ne pouvant tout expliquer, à l'instar de cette bible, presque un personnage secondaire du film, dont l'apparition à l'écran devient redondante.
C'est assez décevant au final, *Hacksaw Ridge* n'est qu'un de ces énièmes films de guerre où l'héroïsme serait un prétexte permettant à tout réalisateur de démarrer un projet, comme si le besoin du cinéma actuel était de raconter tous les exploits de guerre pour se rappeler que l'homme n'a pas seulement commis l'irréparable au XXème siècle. Cela ne fonctionne pas avec ce film et n'est juste qu'un moyen de nous rabâcher une nouvelle leçon d'héroïsme et de patriotisme, encore une fois très présent. Imaginez un film américain nommé six fois aux Oscars sur un homme partant à la guerre non pas pour servir son pays mais pour servir son intérêt et sa soif de gloire personnels: scandale outre-Atlantique ! Pourtant, un tel projet se démarquerait tellement du classicisme des films de guerre...