Tu ne tueras point ou le prétendu retour en grâce de Mel Gibson après des années d’errance? Beaucoup le proclame. Académique dans sa forme, sur le fond, son film se veut un curieux pamphlet croisant héroïsme américain et purement hollywoodien et spiritualité chrétienne. Qu’importe la guerre, le message du réalisateur semble clair, tant et si bien que le film déborde parfois de son strict cadre de biopic guerrier pour basculer, déborder, dans une forme d’élitisme religieux qui pourrait, qui peut ne pas plaire. Mais les pensées, les idées de Mel Gibson étant ce qu’elles sont, pouvons-nous réellement lui en tenir rigueur alors qu’il livre, techniquement parlant, un film qui vaut se pesant de cacahuètes? Oui, en dépit de la morale, d’une orientation spirituelle pour le moins appuyée, Tu ne tueras point, dans sa deuxième moitié, nous fait l’offrande de séquences de combat, sur les falaises d’Hacksaw Rigde, d’une remarquable intensité.
On peut donc l’affirmer, Mel Gibson n’aura pas perdu de son sens de la mise en scène. Alors que certains critiques, sans doute bien trop prudes pour exercer correctement leur métier, s’offusque de tant de violence, accusant le réalisateur de se vautrer dans la boucherie pour faire passer son message chrétien, nous accusons le coup et subissons de remarquables séances de barbarie humaine avec une certaine jubilation, une jubilation que nous n’avions plus ressentie depuis le mythique Il faut sauver le soldat Ryan, toutes proportions gardées. Très classique, sans doute trop académique, durant sa première moitié, le film libère toute sa rage lorsque la troupe et le brave infirmer, Doss, qui refuse de se servir d’une arme débarquent sur les côtes d’une île aux mains japonaises. Sans pitié, sans concession, Mel Gibson met en scène, remarquablement, un véritable champ de bataille. Les agissements héroïques, dans un second temps, du désarmé infirmer Doss, feront leurs petits effets sur un public nourri au cinéma américain dans sa plus pure tradition.
Andrew Garfield endosse le costume de ce héros de l’Amérique peu commun. Vertueux, courageux, pour le moins, ce soldat, profondément croyant et dévoué à ses idéaux, sauvera bon nombre de ses compatriotes saignant sous les bombes ou errant à l’abri des japonais. Le jeune comédien se prend ici un ticket gagnant, quand bien même son interprétation ne révolutionne rien du tout. Oui, comme dit plus haut, Tu ne tueras point est un film d’un classicisme à l’épreuve des balles. Tout est question de cahier des charges et personnes, du côté du casting, ne semble réellement sortir du lot.
Le grand retour de Mel Gibson est donc nuancé, à prendre avec des pincettes. Morale discutable, académisme ronflant, acteurs limités sur certains plans, le film plaira à la majorité mais ne laissera pas une quelconque trace marquante dans la longue histoire du cinéma. L’impression prédominante, chez moi, que le nom de Mel Gibson aura survendu ce film est inévitable. J’attends donc que le cinéaste/acteur nous revienne pour un nouveau tour de piste. 12/20