Adapter la vie d’un objecteur de conscience au cinéma est toujours dangereux, le risque étant d’assister à un de ces innombrables films qui dénoncent la guerre pour sa soi-disante absurdité, et Mel Gibson a parfaitement cerné les enjeux pour nous livrer un merveilleux biopic sur un héros de la WWII. Dix ans après "Apocalypto", qui signait son dernier passage aux commandes, Mel revient avec un projet de longue haleine qui traînait depuis plus de quinze ans, et qui malgré quelques légères maladresse largement pardonnables est l'un des films de guerre les plus marquants que j'ai pu voir. "Tu ne tueras point" met en scène Desmond Doss qui, au nom de sa religion, refuse de porter une arme mais souhaite ardemment partir au combat pour servir son pays en tant qu'infirmier, où il sauvera bon nombre de ses camarades. Inspiré d'une histoire vrai, l'intrigue nous plonge au coeur de l'horreur du second conflit mondial tout en rendant hommage à son protagoniste. L'immersion est bluffante, terrassante, bouleversante, le réalisme est incroyable, on a l'impression de faire partie de cette compagnie qui lutte pour conquérir l'île d'Oki-Nawa. Le bruit des obus, des balles, la lividité des visages, la saleté, l'abondance des vers et des rats sur des cadavres pourrissant dans l'eau croupie en disent longs sur l'héroïsme des soldats et sur l'horreur du conflit. A travers des scènes de bataille hallucinantes de réalisme, Mel Gibson illustre la guerre dans toute sa folie meurtrière et destructrice, sans pour autant délaisser le traitement de ses personnages. Le métrage se décompose en deux parties distinctes, un avant où l'on découvre le quotidien de Desmond (certes un peu niais et parfois longuet mais qui permet parfaitement de cerner la personnalité du héros), et un pendant où grâce à sa ténacité et son courage Desmond tente de survivre sur le champ de bataille, dont il est témoin de toutes les horreurs. Une fois arrivé dans son camp d'entraînement, le spectateur se délectera des scènes rappelant "Full Metal Jacket" où le sergent apprend avec fermeté la discipline au sein de son unité, et où l'on s'attache à tous ces soldats qui révèlent leur plus belles facettes. Grâce à cet aspect, le film traite de l’humain dans toute sa complexité, cet humain moqueur, sûr de lui lorsqu’il est à l’abri, mais qui perd soudainement toute rationalité quand il est en danger de mort imminent. On ne peut que saluer l'immense prestation de Andrew Garfield, méconnaissable, celle de Vince Vaughn parfait en sergent ferme, tout comme Sam Worthington dont le calme et la lucidité en fond un excellent supérieur. Les haters crieront à la propagande chrétienne, au patriotisme américain, au caractère manichéen du métrage présentant les Japonais comme des monstres sanguinaires, à la niaiserie du héros, aux multiples clichés qui entachent le récit, au plagiat des grands classiques du genre, mais "Tu ne tueras point" propose une immersion tellement extraordinaire qu'il faut savoir mettre parfois une visière sur le côté artistique et novateur, pour pleinement apprécié un spectacle de grande qualité. Chapeau bas Mr Gibson.