Ce film est un des meilleurs de l'année. J'aime décidément beaucoup Mel Gibson le réalisateur dont c'est le quatrième en tant que tel. Il n'y a que la passion du Christ que je n'ai pas vu, mais il va falloir que j'y remédie...
Ma position avant de voir le film était que j'avais beaucoup d'attentes. Gibson avait été mis plus ou moins sur la touche ces dix dernières années suites à ses frasques et autres déclarations douteuses et pourtant, la plupart des retours étaient positifs, notamment ceux venant de la Mostra de Venise où il avait été présenté et longuement ovationné. Attentes bien plus que satisfaites donc, car son visionnage m'a poussé à me documenter un peu pour ma culture personnelle... ^^
D'abord, un mot sur le titre : je trouve que le film aurait mérité de s'appeler Desmond Doss. Je trouve le titre français supérieur au titre original. Le titre original peut faire penser que c'est un film sur l'épisode d'Hacksaw Ridge, qui est un élément de la bataille d'Okinawa, mais ce n'est qu'une partie du film. Le titre français fait référence à un credo de notre héros, qui refuse d'ôter la vie à quiconque. Je pense que Desmond Doss s'imposait car, pour moi, ce film est son histoire, l'exposition de ses motivations, de sa foi, et de la "chance" qui l'a accompagnée dans les événements montrés. Ma manière d'aborder ce film fait donc que je ne me perds pas dans les interprétations philosophiques des uns et autres, surtout les journalistes, certains particulièrement attirés par l'envie de détruire le film à cause de la réputation de son réalisateur et d'autres qui y voient un manifeste anti-guerre. C'est juste l'histoire d'un mec qui a tenu bon sur ses convictions et qui a accompli des miracles au milieu de l'enfer...
Comme beaucoup de films vus ces dernières années, il commence par une scène située dans la seconde partie de l'histoire d'un point de vue chronologique avant d'enchaîner sur un flash-back, histoire de teaser sur ce qui nous attend (et qui a été entraperçu dans les bandes-annonces). Le film est principalement structuré en deux parties, qui s'entremêlent parfois grâce au procédé des flashbacks, la première exposant ce qui a construit la personnalité et la foi de Doss, la seconde "relatant" ses aventures autour de Hacksaw Ridge.
La première partie est très classique. Entre traumatisme d'enfance, romance (moi aussi je suis amoureux de Teresa Palmer ^^ ), éveil de sa foi et enfin bizutage à l'armée, il n'y a rien de transcendant dans la manière de filmer, mais de beaux numéros d'acteurs et des retrouvailles sympas d'acteurs que j'ai un peu moins vu ces derniers temps au cinéma (Rachel Griffiths dans le rôle de sa mère, Worthington dans le rôle du Capitaine Glover, Richard Roxburg dans celui du colonel Stelzer, pour les autres j'y reviendrai plus loin).
Mais le gros point fort du film, est vraiment la seconde partie. J'ai, comme beaucoup je pense, retrouvé les impressions que j'avais eues en regardant "Saving Private Ryan". La mise en scène est saisissante, malgré le fait qu'on sent que Gibson n'avait pas LES GROS MOYENS pour faire son film, même si on n'a pas non plus à faire à un film béninois. Il a donc privilégié les gros plans, les plans serrés et enfumés car on devine qu'il n'avait pas un décor immense à exploiter, contrairement à Spielberg qui avait pu faire plus de plans larges et panoramiques. C'est une très bonne chose, car on se trouve immergé dans la bataille, très très brutalement, ça pète de partout, les images d'horreur nous sautent à la gueule, grâce à une caméra filmant à hauteur d'homme. La guerre c'est sale, ce n'est pas une carte postale avec des beaux gosses sans peur qui avancent triomphant dans leurs beaux uniformes... C'est magnifique de crudité... Je ne me réjouis pas de voir de telles images, mais j'espère que cela fera réfléchir les va-t-en guerre... Mon opinion étant que parfois la guerre est nécessaire, mais que si on peut éviter de la faire...
Quelques mots pour caractériser ces visions impressionnantes pour moi : morts soudaines, visages stressés, corps entassés, boyaux, mutilations, rats, vermines, lance-flammes, corps déchiquetés, têtes explosées... On ne peut pas être heureux de partir faire la guerre, c'est un devoir parfois, mais ça ne doit pas être un bonheur... Pour ces images, le film est à déconseiller aux âmes sensibles. Lors de mon premier visionnage, ma voisine n'arrêtait pas de se prendre la tête dans les mains tout en faisant des tchips...
On peut se dire que le film exagère un peu, que ce n'est pas possible, mais cela est tiré d'une histoire vraie et même si des passages sont arrangés (voir plus loin pour ceux qui ont vu le film), je ne pense pas qu'il y ait une volonté de montrer la grandeur de l'Amérique là-dedans, juste celle de raconter un miracle.
Pour ce qui est des acteurs, une mention évidemment à Andrew Garfield, qui, si je me fie aux images montrées du vrai Desmond Doss à la fin du film, l'incarne magnifiquement, dans sa manière d'être, le visage souvent apaisé (limite benêt, avec un sourire béat), mais pénétré, convaincu et entêté. Une autre pour Vince Vaughn dans le rôle convenu du "méchant instructeur", le sergent Howell, Je cite Luke Bracey : pendant la moitié du film, je me disais "mais je connais cette tête" et je me suis enfin souvenu que je l'avais vu dans "Point Break". Autant je l'avais trouvé pas terrible dans le rôle du flic peroxydé, autant là je l'ai trouvé bon, intense et enfin émouvant. Mais le meilleur, le plus impressionnant pour moi, celui qui illumine la première partie du film, est Hugo Weaving, dans le rôle du père brisé par la Grande Guerre, qui réussit à faire passer tant de choses dans son jeu à chacune de ses apparitions... Allez, une petite nomination ? ^^
J'ai beaucoup aimé l'accompagnement musical, signé Rupert Gregson-Williams, et pour ceux qui ne font pas attention au générique, la dédicace faite à James Horner, qui avait composé la musique de Braveheart et Apokalypto, deux des précédents films de Gibson.
Il n'y a pas de scène de sexe dans le film (rappel : Doss est un adventiste du 7e jour ^^ ),
pourtant, honte sur moi ^^ , j'ai espéré un peu, Teresa étant magnifique dans sa tenue blanche, le soir où le couple Doss a enfin pu consommer sa nuit de noce :-P )
et on sourit un peu dans la première partie notamment lors des premiers moments de Doss à l'armée.
Pour compléter par mes ressentis (spoilants),
- j'ai souri quand Vaughn sort "we're not in Kansas anymore, Dorothy!", qui est une allusion marquée au magicien d'Oz, Dorothy étant aussi le prénom de la femme de Doss.
- il y a deux jumpscares dans le film et je déteste ça (le cauchemar et la rencontre très subite avec un japonais dans les galeries).
- j'ai aimé la gestion du rythme dans la seconde partie du film : arrivée du régiment de Doss avec visions au ralenti des corps entassés dans la camion, préparation de l'assaut avec l'inquiétude qui monte en même temps que les soldats monte la falaise, la découverte du champ de bataille, le départ violent, choquant de l'action, l'accalmie après la prise de position des américains, puis le lendemain la terrible contre-attaque des japonais, magistralement filmée, évoquant un fourmillement, une vague humaine d'une puissance irrésistible (vraiment le point fort du film), la mort de Smitty (la musique, son aveu alors qu'il est touché "I'm scared", le désespoir que cela cause chez Doss, son questionnement à Dieu sur la raison de sa présence, et la réponse qu'il reçoit "Help ! " ^^ qui va conditionner sa résolution de sauver le plus de gens possibles de cet enfer).
- j'ai trouvé beau le fait que Doss se serve du corps de Smitty pour sauter de la falaise quand il s'avère impossible de rester plus longtemps sur le champ de bataille, il pourra ainsi être enterré au pays.
- j'ai été ému par les belles images que Gibson nous a offertes (lance-flammes, le ralenti sur les visages reconnaissants et pleins d'admiration envers Doss quand il est descendu de la falaise, Doss prenant sa douche après son exploit, l'eau qui s'écoule de son corps étant rouge du sang des morts et des blessés qu'il a tenté de sauver, l'image final du film où l'on voit l'évacuation sur un brancard de Doss, qui semble ainsi être un ange flottant dans le ciel.
- j'ai aussi été ému par le moment de recueillement avant l'assaut final, la musique, les ralentis sur les visages...
- ce n'était pas le propos du film pour moi, mais il fallait bien justifier un peu plus le nom original du film, on montre un peu la réaction des japonais (seppuku avec kaishaku, qui est un suicide par éventration volontaire suivi d'une décapitation par un tiers, attitude kamikaze des japonais se rendant en se faisant exploser avec des grenades). Cela fera peut-être polémique au Japon, car il y a un contentieux sur le sujet des attitudes kamikazes, des civils ayant été forcés par l'armée japonaise à se suicider ainsi, ce qui n'est pas explicite en voyant le film.
- j'ai trouvé poignant les témoignages des personnes réelles qui ont vécu cette aventure à la fin du film.
- enfin, le film peut laisser croire que Doss a sauvé 75 hommes en les descendant sans relâche un par un de la falaise de manière continue. D'après ce que j'ai lu, son régiment, le 77e, a débarqué en renfort du 96 le 24 avril 1945 et a combattu jusqu'à la chute d'Okinawa le 21 mai. Les "faits d'armes" de Doss se sont étalés à plusieurs reprises sur cette période. Et il faut savoir qu'avant cela, il avait déjà été décoré car Okinawa n'a pas été son premier théâtre d'opérations.
Je sais que j'ai été un peu long, mais je remercie ceux qui auront eu le courage de lire mon pavé, en espérant ne pas en avoir trop dit. Je trouve que ce Desmond Doss est une personne remarquable, par sa force de conviction, par son humilité, que c'est cela qu'il faut louer. Par contre ce n'est pas un exemple que tout le monde doit suivre concernant son refus doctrinal de ne plus toucher une arme de sa vie, car évidemment, "les forces du mal" auraient gagné la guerre sinon...