Après une série d’accueils publics un peu en demi-teinte, Eastwood revient à ce que l’Amérique aime par-dessus tout, l’héroïsme patriotique – et signe là le plus gros carton de sa carrière. Son sniper est rigide, bourru, froid comme il nous avait habitué à se montrer lui-même. Courageux mais pas téméraire, violent mais pas sanguinaire, un cow-boy au centre d’un western moderne. Dans le théâtre de la guerre d’Irak, il soutient sa troupe caché sur les toits. De là il pointe, il tire, dégage le terrain. C’est une variante au Démineurs de Kathryn Bigelow sorti cinq ans plus tôt, aussi brutal, glacial, un tant soit peu amoral. Mais cet aîné paraît aller plus loin dans le genre. Plus explosif (bon, bref), plus teinté d’action pure et dure, sans logique et sans émotion, il en remontre au patriarche Clint, lui qui cherche encore à manier les styles et se laisse aller à glisser dans le drame. Celui du héros monomaniaque jusqu’à l’inconscience, celui de sa femme vite délaissée, celui de ses ennemis qui lui font miroir, celui de ce non-questionnement qui en fait une machine. C’est beau, et à la fois rien de tout ça n’a déjà été vu, revu, analysé sur tous les médias, et le grand cinéaste en est réduit à une quasi synthèse, utile mais sans apport nouveau, sans cette force venue d’ailleurs qu’il sut naguère offrir. Au moins son banquier est-il heureux. Et son spectateur ne va pas se plaindre : il aura quand même passé deux heures auprès d’un authentique pro.