En dépit du fait que Jane got a Gun ne soit pas foncièrement désagréable à regarder, rassurons-nous, il n’est pas très long, il s’agit là du parfait exemple de la mainmise des studios hollywoodiens sur le travail du metteur en scène. La pré-production mouvementée, les départs de Lynne Ramsay, réalisatrice initialement engagée, de Michael Fassbender ou encore Jude Law, tendent à prouver que réaliser un film indépendant, de nos jours, avec l’argent de l’industrie tient de l’impossible. Tout le monde s’en va, à l’exception de Natalie Portman, qui endosse le double rôle d’actrice productrice, et voici qu’arrive Joel Edgerton, dont le rôle ne fût clairement distribuer qu’en dernière minute, et Gavin O’Connor, qui hérite du siège de réalisateur alors que les producteurs avaient déjà décidé quel film serait montrer au public. On appelle dès lors ça un film de commande, un projet parti sur de bon rails qui se retrouve dépersonnalisé, découpé en tranches multiples, raccourcis à volonté et finalement purement inconséquent.
Les acteurs, hormis Portman, qui elle, a quelque chose à perdre, ne font même pas mine de se fouler. Joel Edgerton, sachant qu’il est un second voire un troisième choix, assure le minimum syndical sans risquer l’entorse. Mais que penser de la catastrophique performance, un truc presque carnavalesque, d’Ewan McGregor, les sourcils teints en noir et le charisme oublié en route? Non, décidément, lorsqu’un projet murement réfléchi est jeté en pâture aux grandes firmes, toute la chaîne de production dépérit. On ressent pourtant, assez clairement, ce vers quoi voulait s’orienter, durant sa phase de confiance, Lynne Ramsay. La réalisatrice entendait orienter son Western, bâti sur des références assez classiques, vers un dilemme amoureux mis à mal par la brutalité du contexte. En somme, le script initial entendait s’étendre d’avantage sur les relations ambiguës qu’aurait entretenu Jane avec les deux hommes de sa vie. En définitive, nous en avons plus qu’une simple esquisse.
Le film, ne durant à peine qu’une heure et demie, aura perdu de sa substance au fil des désistements, des tergiversations artistiques entre les artisans et les financiers. Gavin O’Connor, puisque à lui incombe la responsabilité de remettre à flots un navire qui sombre, ne s’en tire finalement pas trop mal, offrant quelques séquences agréables, rares, certes, mais suffisamment maîtrisées pour contrebalancer le manque de pêche des acteurs et un scénario décortiqué et remonté. On ne peut dès lors pas vraiment en vouloir au réalisateur pour cette fin, notamment, désagréablement mielleuse, pur produit des studios qui n’entendaient pas choquer mais offrir une fin désuète pour satisfaire l’âme sensible.
Un exemple à ne pas suivre, en somme, sauvé du désastre par la persévérance de Natalie Portman et par le savoir-faire suffisant du metteur en scène choisit en second temps. On ne retiendra donc que peu de chose de ce projet, un Western raccourci à grands coups de bulldozer, qui sera aussi vite oublié que visionné. Décidément, la phase désastreuse de pré-production aura été bien plus musclée que toutes les retombées du film. 07/20