Adulé, à juste titre, depuis son brillant Moonrise kingdom, Wes Anderson déménage et s’en va peaufiner son style, et l’approfondir, au Grand Budapest hotel. L’intrigue est une mise en abyme : le majordome raconte son histoire à un auteur qui se la rappelle. Incarné par le toujours très smart Ralph Fiennes, il narre un demi-siècle comme un conte extraordinaire, et tels son interlocuteur Jude Law, on se retrouve instantanément et durablement aspiré. La réalisation est simplement magistrale. On pense à Lubitsch, Kubrick, Truffaut, Gilliam, mais nul besoin d’être un grand cinéphile pour apprécier le film dans ses moindres recoins. Car ce metteur en scène-là n’appelle à rien : il invente son cinéma. Et plus encore que dans les premiers de Tim Burton ou des frères Coen, c’est un festival de trouvailles léchées, des inserts d’animation aux somptueux cadrages, des longs plans-séquences aux contrastes extrêmes, du rythme imprimé à l’extraordinaire galerie de portraits. Laquelle profite en plus d’un casting ahurissant, puisqu’outre les deux sus nommés, on retrouve Willem Dafoe, Harvey Keytel, Edward Norton, Adrien Brody ou Bill Murray, Mathieu Amalric, Tilda Swinton, Jeff Goldblum et Lea Seydoux, souvent grimés à en être méconnaissables, toujours dirigés avec maestria. Du jamais vu. Cette grande bâtisse oubliée au sommet de son pays fictif est le prétexte à un moment court mais intense, où tout est en place pour produire un total chef-d’œuvre du septième art. Le vrai.