L’histoire : La genèse d’une histoire géniale.
Un écrivain y explique que les meilleurs histoires peuvent aussi venir à nous, si l’on est suffisamment attentif à ce qui nous entoure, lieux, personnages, atmosphères.
L’histoire géniale en question, c’est celle de Zéro Moustafa, parti de rien – lobby boy du GBH, comment il en devînt le propriétaire. Un destin lié à celui du maître concierge le plus chic et prestigieux ever : Monsieur Gustave. C’est aussi le récit d’une folle aventure qui lia leur amitié.
Dans The Grand Budapest Hotel, le récit est au centre de tout.
Wes Anderson troque le thème du dysfonctionnement familial lié à une figure parentale écrasante contre une narration à rebondissements, où de très nombreux personnages, lieux et ambiances forment un patchwork démentiel lié par un génie formel, et une interprétation hors norme, Gustave H / Ralph Fiennes en tête.
Attention !! Wes Anderson utilise de manière quasi parodique ses tics habituels – travellings horizontaux, zooms accentués sur personnages très "dandy chic", fétichisme de l’image, utilisation particulière de la musique, etc. Même si ces aspect sont cette fois entièrement au service d’une intrigue, cela rebutera toujours les réfractaires.
Le renouveau esthétique vient, lui, de l’utilisation du format cinéma 1.37, une image quasiment carrée, comme dans les films des années 50 ; ce format est idéal car il met en valeur personnages et décors intérieurs.
Et dans le Grand Budapest Hotel, chaque décor, chaque personnage est un film en soi, raconte une histoire dans Histoire :
Le film étant un récit d’aventure, il est par nature constitué d’un nombre conséquent d’environnements, qui ont chacun, grâce à la foule de détails avec laquelle ils ont été crées, une personnalité et une histoire propres.
Le résultat constitue à lui seul une véritable prouesse visuelle et technique !
Une autre des réussites du film, toutefois plus commune chez Wes Anderson, est de laisser à chaque personnage l’occasion d’exister en dehors de son apparition à l’écran, si petite soit-elle.
Et lorsque l’on constate qu’une nouvelle piste narrative, s’ouvre dès qu’un nouveau protagoniste fait son apparition, l’apport au récit devient gargantuesque !
On prend un plaisir fou à errer dans ce scénario très Agatha Christie (Inspiré selon Wes Anderson, de l’oeuvre de Stefan Sweig) dont chaque personnage est acteur… Plaisir décuplé par l’interprétation parfaite (voir le cast dément) souvent outrée et surjouée, servie par des dialogues toujours élégants, même dans la vulgarité.
Autre surprise, l’exploitation du récit en tant que moteur implique l’éclatement de la bulle typique du cinéma Andersonnien. Cette ouverture vers l’extérieur y provoque une mini révolution : les personnages archétypaux de l’univers du réalisateur se retrouvent confrontés au monde réel !
Dans le cas du Grand Budapest Hotel, la seconde guerre mondiale devient donc carrément un personnage. Et au même titre que les autres, prend progressivement de l’importance, pour dynamiter le récit au moment opportun, les confronter à sa violence. Ce qui se révèle assez gratuit, mais passionnant!
Wes Anderson, que l’on ne soupçonnait pas génie du storytelling, réussit à intégrer ce nouvel élément à son récit, de manière limpide, imprime un rythme sans temps mort qui mixe au final : polar, film d’évasion, buddy movie, film de guerre, slapstick* et surtout film d’aventure, dans un maelstrom cinématographique tellement généreux, que t’en chiales.
D’ailleurs, ce rythme si élevé, cette générosité de contenu, dessert également le film, provoque un sentiment de fatigue sur les 15 dernières minutes. Un défaut mineur qui permet de tempérer l’impression de génie qui m’a semblé se dégager du film de Wes Anderson…
Ça, et l’aspect purement divertissant/génial du film, là ou son oeuvre proposait (jusqu’à l’aventure romantique de Moonrise Kingdom), une forme d’introspection à travers un passionnant kaléidoscope psychologique du dysfonctionnement familial.