Il y a encore 3 semaines, je n'avais encore jamais vu un film de Wes Anderson, c'est à peine si le nom m'était familier (oui entre temps, je me suis payé une culture) mais j'ai découvert un soir Moonrise Kingdom, avant dernier long-métrage de Wes Anderson (à ne pas confondre avec Paul W.S. Anderson ni Paul Thomas Anderson, si quelqu'un fait encore l'erreur) et je suis resté sur le c*l devant ce bijou cinématographique, cette pépite filmique à la mise en scène si particulière. Wes Anderson est au cinéma ce que Jean d'Orbais était à l'architecture (merci les cours d'histoires, jamais je n'aurai penser que l'architecture gothique me servirait), un génie de la symétrie (surtout concernant Anderson). La mise en scène de ce grand bonhomme est à tomber et reste à jamais unique dans l'histoire du cinéma puisque ces plans fixes sont filmés de manière extrêmement millimétrés, dans ces plans, tout est carré et souvent statique dans lesquels s'anime des acteurs. De ce point de vue-là, Moonrise Kingdom allait très loin sans jamais transgresser cette manière de filmer même lors de travellings, plans pourtant mobiles, où le statisme était toujours de mise. Cette totale maîtrise se retrouve dans le dernier film du prodige Wes Anderson, cette fois-ci appuyée par une alternance de format. En-effet, le film se déroule sur quatre époques différentes et donc le réalisateur américain a eu la merveilleuse idée de choisir trois formats différents dont le plus mémorable restera le 4:3, autrefois utilisé pour le format de tout les long-métrages (avant que le cinémascope devienne monnaie courante). D'ailleurs il est assez amusant (et peut-être un peu aberrant) de savoir que la personne avec qui j'étais allé le voir n'avait pas remarqué le changement de format, mais pas une seule fois ! Alors soit cette personne est légèrement miro (ce que je doute fort) soit (et là c'est plus probable) le film était tellement captivant qu'une fois rentré dedans, cette alternance ne devenait pas une gêne pour le spectateur (faut dire que le tout est étonnamment très fluide). Mais vous vous en foutez non ? Donc revenons au film...
Ce choix se justifie d'une part puisque l'époque à laquelle est employée ce 4:3 est la partie se déroulant en 1932 (année où ce format était répandu) mais également la partie où le style Andersonien se ressent le plus. Car à plusieurs reprises le metteur en scène se permet quelques transgressions de sa propre empreinte tout en restant assez appliqué dans le cadrage notamment lors d'une scène très amusante de gunfight (mais là, c'était dans le format 4:3) entre d'un côté des gens qui tirent et de l'autre des gens qui tirent (difficiles de dissocier les deux, un joyeux bordel cette scène). Mais là où The Grand Budapest Hotel détient son originalité, c'est dans le décalage total entre la rigueur de la mise en scène et le foutoir complet de l'histoire. Au delà des multiples mises en abîmes du film (au départ, on suit une jeune femme qui vit à notre époque et qui s'apprête à lire The Grand Budapest Hotel puis l'écrivain de ce bouquin avant de replonger à l'époque où cet écrivain à entendu cette histoire racontée par Zero version âgé et enfin d’atterrir en 1932 lorsque Zero était lobby boy dans l'hôtel au couleur gai (gay ?), finalement c'est pas si compliqué Inception...), c'est surtout l'univers, les personnages et l'histoire qui sont totalement farfelus. Le Grand Budapest Hotel est déjà un monument d'architecture fantaisiste avec ses couleurs roses/mauves et jaune pâle (la texture de cet hôtel lorsque celui-ci est filmé en plan très large est pour le moins original puisqu'il semble être fait en carton (ou comment tirer profit d'un budget trop raisonnable)).
Mais si le film est si délirant, c'est parce qu'il bénéficie de prodigieux acteurs, tous formidables même si l'on regrette que certains n'aient le droit qu'à un simple caméo (Bill Murray et Owen Wilson, vous servez à rien dans ce film !), reste un succulent Ralph Fiennes, parfait en concierge passionné de poésie (ce qui lui vaudra de nombreuses remarques sur sa potentielle homosexualité) mais aussi un génial Willem Dafoe (un peu cinglé sur les bords), qui interprète le bras droit de Dmitri, joué par Adrien Brody.
Et pourtant l'histoire du film est assez morbide, on parle quand même d'un concierge d'un grand hôtel qui s'éprend de ses nombreuses clientes âgées et riches jusqu'au jour où l'une d'elle finit par claquer et décide de léguer une peinture apparemment célèbre à ce concierge. La famille de la défunte pète alors un boulon (enfin surtout Dmitri) et refuse de lui laisser le tableau. M. Gustave (le concierge) vole ce qui lui appartient (bah c'est pas un vol alors ?) et va malencontreusement finir par la case prison avant de... on va peut-être s'arrêter là avant le spoil ultime.
Mais vous l'aurez compris, avec une histoire aussi glauque, Wes Anderson en fait un film drôle grâce à une mise en scène qui lui est propre ainsi qu'à une impressionnante galerie d'acteurs qui lui est entièrement dévoué.
Ça fait plaisir à voir et ça fait de ce The Grand Budapest Hotel l'un des meilleurs films de ce début d'année 2014.