Plus les années passent, plus nous avons le besoin de nous rapprocher des êtres qui nous sont chers. Avant nous n'avons pas le temps, à cause d'un boulot qui nous accapare tout notre temps, ou d'instabilité sentimentale peu propice aux réunions de famille. Jacques est ancien photographe de guerre, a soixante douze ans, et ses quatre filles lui manquent. Son meilleur ami ment alors à ses dernières en leur faisant croire que leur père est malade pour que tout le monde se retrouve, enfin, en famille.
Film clairement biographique, le personnage principal de cette œuvre représente une sorte d'alter ego de Lelouch. Mal-aimé de beaucoup de personnes de la profession, le réalisateur continue de tourner malgré le temps qui passe et les critiques qui fusent. Idem pour Hallyday qui amorti les coups depuis maintenant plus de cinquante ans. Ce titre Salaud, on t'aime s'applique bien à tous les deux et donne au récit une saveur bien particulière.
Le film pourrait se diviser en deux parts tout à fait inégales. Le côté léger, familial et poétiquement carpe-diem est réussi. Nous avons envie de nous asseoir à leur table déguster un bon verre de vin et parler de la vie, de tout, de rien. Certaines scènes sont mémorables, comme lorsque l'on voit ces deux dinosaures du rock que sont Hallyday et Mitchell chanter faux sur un air du western Rio Bravo. Nous avons comme l'impression que le cinéaste a rassemblé une grande famille dans un chalet perdu en montagne pour y tourner un film. C'est cet aspect spontané et chaleureux que nous aimons dans Salaud, on t'aime.
Mais c'est bien la dernière partie, partant sur le genre du polar, qui nous déçoit le plus. Lelouch insère des flash-forward hasardeux et très mal situés, rendant le récit parfois flou, peu linéaire, et même hors-sujet. La dernière demie-heure ne nous intéresse donc guère car ce n'est pas cela que nous étions venus chercher en allant voir ce film. De plus, les actrices peu expérimentées (si ce n'est Irène Jacob) interprétant les quatre filles du photographe n'arrivent pas à développer une once d'émotion à l'égard de n'importe quel événement narratif, rendant le récit très peu crédible lors de scènes clés. Seule Bonnaire s'en sort parfaitement en nouvelle femme douce et compréhensive d'un vieux briscard à qui l'on pardonne tout.
Mais avec le personnage d'Antoine Duléry, Lelouch semble justifier ce geste cinématographique. La vie serait un polar, et donc le cinéma doit l'être aussi. Mais encore faut-il rendre sa narration censée, attractive et cohérente vis à vis de l'ensemble scénaristique. Ici, ce n'est pas le cas, et c'est fort dommage.