Todd Haynes en revient à sa thématique de prédilection tant il semble n’y avoir qu’un pas entre son précédent Loin du paradis et ce Carol, accessoirement acclamé lors de sa présentation cannoise l’année dernière. Certes, le metteur en scène fait preuve d’une certaine rigueur artistique, démontrant un savoir-faire indéniable dans sa reconstitution d’époque, filmant ses protagonistes aux travers de cadres de portes, fenêtres et autres formes de découpages souvent élégants. On pourra aussi saluer sa direction d’acteurs tant les deux comédiennes principales sont convaincantes, touchantes même, dans leurs regards et échanges verbaux. Oui, Todd Haynes fait très bien les choses, il les fait avec passion, cela se sent. Mais cela suffit-il pour que ses films soient considérés comme des archétypes de la romance interdite? Pas sûr.
Ici, la haute bourgeoisie New-Yorkaise, glamour mais mal dans sa peau, rencontre le prolétariat, le petit personnel plein d’envie, de curiosité et de passion. La belle et élégante Carol rencontre la frêle et jeune Thérèse, et d’un seul regard, naît une passion interdite. Sur fond de divorce et perte de garde d’un enfant pour la première, sur fond de séparation amoureuse et de questionnements quant à l’avenir pour la deuxième, Todd Haynes nous livre une romance qui semble à tout moment pouvoir à la fois bien et mal finir. Le cinéaste ne brûle aucunement les étapes, rapprochant ses deux personnages doucement et méthodiquement, informant les spectateurs de l’évolution du couple via des regards en coin, ceux d’une femme forte et d’une femme timide, via des petits échanges jamais frontaux mais toujours évocateurs. Bref, tout est habile mais passablement lisse.
A mon sens, la véritable réussite, chez Haynes, pour ce film, tient de la parfaite complicité entre ses deux actrices. Cate Blanchett, audacieuse, turbulente, et Rooney Mara, frêle et touchante, font parfaitement la paire et ose un rapprochement parfaitement chorégraphié. Les deux comédiennes, puisque Sarah Paulson et Kyle Chandler ne font sincèrement que passer, portent le film sur leurs épaules d’actrices pouvant tout jouer, le prouvant bien ici dans un mouvement relationnel à la fois simple et délicat. Petite préférence, d’ailleurs, pour Rooney Mara, actrice au talent monstre qui trouve ici matière à s’exprimer, à l’inverse d’un certain nombre d’apparitions bien plus anodines.
Impeccable romance, donc, quoique peu passionnante, Carol remplit son cahier des charges et assure à son metteur en scène une belle reconnaissance artistique, plus ou moins méritée du moment que l’on ne le considère pas comme un metteur en scène maniéré. 13/20