C'est un comble, pour un film prétendument d'amour passionnel (lesbien), qu'on ne montre qu'un bout de tétons (possible doublure) et deux-trois baisers obligés pour-montrer-qu'elles-s'aiment-vraiment: certes on est dans les années 1950, et on y croit (décors, ambiance, maquillage, dialogues -quoique fort retenus), mais cette pudeur confine à l'arnaque et cette introversion maladive finit par décrédibiliser l'histoire, car on n'imagine guère une telle prise de risques (du côté du personnage de Carol, mère en conflit avec son époux) pour un amour qui paraît globalement chaste (platonique dirait-on)! Non qu'il faille montrer crûment l'amour, mais au moins qu'il existe en chair et en chaleur! Ici on enchaîne sans grand rythme, dans un effet assez lassant, les atermoiements, les minauderies, les esquives, l'attente, les espoirs contrariés, l'admiration froide, les yeux-brillants-qui-désirent-sans-consommer, sans pouvoir dépasser l'impact d'un romantisme envoûtant, lacrymal et qui, rétrospectivement, semble factice, malgré son efficacité première (Todd Haynes oblige). Bref, CAROL est un film esthétiquement sublime, porté par une Cate Blanchette magistrale et une belle musique, mais gâché par un traitement trop désincarné et un scénario lent et ronflant. En tablant sur trop d'incertitudes et de distance, Todd Haynes s'est sans doute planté dans son portrait.