« Saint Laurent »: un excellent film de Bertrand Bonello,
Bertrand Bonello nous présente un Yves Saint Laurent fragile, enfant gâté d’un milieu de colons aisés vivant en Algérie, marqué dans son enfance par les frasques amoureuses de son père et une mère élégante, délaissée et possessive reportant tout son amour sur son fils. Un enfant sensible, cultivé, merveilleusement doué pour le dessin , s’interrogeant sur le sens de son prénom et faisant de son initiale , un objet fétiche qu’il transformera en poupée, mettant progressivement son génie au service de la création vestimentaire.
Le film ne retrace qu’une période de sa vie : 1967 à 1976, période de flamboyance et de déchéance, l’apogée de sa carrière, en même temps que le début de son autodestruction. Maniaco-dépressif, il est dépendant des tranquillisants pour calmer ses angoisses à la veille d’une collection, puis des stupéfiants, de l’alcool et du tabac avant que de sombrer dans la déchéance de partouzes homosexuelles les plus viles.
Un documentaire intéressant sur le milieu gay et ses quartiers chauds, sur l’alcoolisme mondain et les boites à la mode fréquentées par cette « jet set» marginale.
Des scènes crues et dures mais suffisamment annoncées par maints détails artistiques pour que le spectateur les ait anticipées et n’en soit pas outre mesure choqué .
Une grande sensualité dans la quête amoureuse entre Jacques de Bascher et Yves Saint Laurent, merveilleusement bien rendue par le jeu des deux acteurs.
Un remarquable clin d’œil au travail d’équipe. La robe que porte la vedette d’un jour ou d’un spectacle n’ est elle pas l’œuvre certes du créateur mais aussi celle de toutes les petites mains anonymes qui ont contribué à sa confection. Et quand le maître est défaillant, il faut que la collection se fasse et se produise, et dans une véritable équipe, tous s’y attellent !
En final, Un somptueux défilé de mode coloré , dans un décor sublime, avec de splendides mannequins, faisant revivre tout ce qu’Yves saint Laurent , comme Coco Channel, a fait pour une mode visant à sortir la femme d’un carcan vestimentaire, lui donnant la liberté de ses gestes en même temps que de sa vie. Saint Laurent est peut être allé plus loin que Coco, en féminisant le vêtement masculin (tailleur pantalon) la reconnaissant ainsi l’égale de l’homme, sans pour autant lui retirer son côté purement glamour (robes de soirées).
Un film noir et en même temps sublime de couleurs : une symphonie, merveilleusement bien orchestrée par son réalisateur, sur fond de Bach, de musique blues , soul , chants d’opéra interprétés par Maria Callas.
Une plastique magnifique.
On peut regretter, que le Maroc, souvent évoqué (Saint Laurent y passait six mois de l’année avec son amant Berger) n’est davantage servi de décor à des scènes de créations, alors que le couple y possédait une partie du Parc Majorelle, splendide joyau de la ville de Marrakech. (On y retrouve cependant les couleurs – camaieu de bleus et d’ors- dans le défilé final -.)