Saint-Laurent...de Bertrand Bonello. Le Saint Laurent de Jalil Lespert restera une vitrine made in Gala ou Voici, un film du dimanche soir sur TF1...politiquement correct, tandis que le Bonello est d’ores et déjà une oeuvre d’art, un vrai film d’auteur. L’accent est mis sur le côté sombre du couturier, ses démons, ses doutes, ses échecs. Oui, il y eut un énorme échec en 1971 quand sa collection «rétro» ne rencontra les faveurs de personne, sous prétexte qu’elle correspondait à la mode pendant l’occupation, et que le recul n’était pas suffisant. Les acheteuses potentielles ont halluciné et déserté cette proposition.
La période relatée dans ce film est une décennie, précisément entre 1967 et 1977. Décennie de doutes, d’excès, d’essais, de rencontres, d’innovations, et même de remise en question. Le film colle aux personnages, nous sommes très proches d’eux, en empathie sans jamais être voyeurs.
Bon nombres de scènes «casse gueule» sont ici maitrisées à la perfection jusqu’à devenir bluffantes pour certaines : il y a cette longue négociation entre Pierre Bergé et l’un des actionnaires, menée en même temps en français et en anglais, cette séquence géniale avec Valéria Bruni-Tedeschi qui commence en «femme coincée» et s’achève en «femme libérée». Des scènes assez drôles qui nous conduisent peu à peu à ce final apocalyptique où l’idée de génie reste bien sur de convoquer Helmut Berger, l’icône Viscontienne, dans le rôle du génie vieillissant.
Pierre Niney m’avait bluffé, mais Gaspard Ulliel est meilleur. Guillaume Gallienne était épatant, mais Jérémie Rénier est exceptionnel. Louis Garrel est formidable dans le rôle le plus ingrat, celui de Jacques de Bascher. Seul bémol, Léa Seydoux...oui je sais je ne suis pas objectif...mais franchement dès qu’on lui met un foulard sur la tête elle ressemble à une paysanne...et c’est un peu gênant.
Je ne m’explique toujours pas pourquoi ce film n’a pas remporté un prix du jury, ou de la mise en scène à Cannes en mai dernier. Pourtant je suis certain qu’il occupera une place dans mon top ten des films de l’année. Courez-y !