Film haut de gamme pour un maître de la haute couture, "Saint Laurent" est impressionnant d'ambition artistique sans toutefois parvenir à passionner réellement et entièrement.
Alors que "Yves Saint Laurent " de Jalil Lespert, sorti il y a quelques mois, versait dans l'hagiographie proprette et bien léchée, le film de Bertrand Bonello préfère prendre une voie moins bien balisée, détourner et tailler un costard à ce nouveau genre si mode qu'est le biopic. En localisant son film durant les années 1967/1977, le réalisateur/scénariste met l'accent sur la genèse des années noires du couturier. Ce n'est pas vraiment original, mais cela lui permet de recréer une époque marquée par les fêtes insouciantes et rythmées dans des boîtes à la mode où Yves saint Laurent va sombrer dans une dépendance amoureuse destructrice pour un dandy nommé Jacques de Bascher qu'il accompagnera d'une prise ininterrompue de stupéfiants. Sa santé fragile ne résistera pas longtemps aux drogues et une lente descente aux enfers débutera.
Ce qui est plus original sans doute,c'est la manière dont Bertrand Bonello s'empare de cette histoire, vraisemblablement une commande, pour tirer le film dans une suite logique de ses oeuvres précédentes, en privilégiant certains thèmes récurrents de son cinéma ( l'enfermement, le monde hostile, ...). Comme un peintre, il composera une succession de tableaux impeccablement coupés, en y apposant tout un tas de touches symboliques ou référentes. Proust est le principal convoqué à ce jeu intellectuel dont le temps qui passe est le principal élément. On pourra en trouver bien d'autres durant les 2h30 de la projection car on caracole de clin d'oeil en mise en abyme. Ca fait genre, ça impressionne, c'est certain, mais au final amidonne sérieusement le film. Malgré une musique dansante, les effets de mise en scène jouant sur les lignes finissent par emprisonner l'ensemble, lui fourguant hélas un corset, au lieu de laisser ces corps libres de s'exprimer. Parfois, Gaspard Ulliel semble posé dans le cadre, mannequin apprêté pour une séance photo, fait le joli, le secret, comme pour donner à penser que là, attention messieurs dames, référence ! Cette esthétique, surement en rapport avec le monde de la mode, est assez passionnante au début, puis finit par ennuyer un peu car on s'aperçoit bien vite qu'elle prend le pas sur la construction des personnages, tous plus ou moins sacrifiés. Si Gaspard Ulliel parvient tout de même à incarner avec conviction un Saint Laurent au bord du gouffre, obsédé par son boulot et coupé du monde jusqu'à en apparaître impitoyable, notamment lors du renvoi d'une petite main enceinte, ou si Jérémie Rénier étonne dans sa composition d'un Pierre Bergé plus amoureux et doux qu'homme d'affaire glacial et intransigeant, le reste de la distribution est totalement destiné à jouer les potiches de luxe, sans aucune saveur ( là c'est un pléonasme). La palme revient à Léa Seydoux, présente tout le temps à l'écran en second plan. Elle rit, boit, fume, se trémousse mais n'a au final qu'une réplique banale à dire. Louis Garrel en dandy ringard et soi-disant vénéneux, n'est guère convaincant malgré un baiser torride avec Gaspard Ulliel.
La fin sur le blog