Génie tourmenté, visionnaire fantasque, révolutionnaire désabusé, couturier légendaire… six ans après sa disparition, Yves Saint Laurent continue de marquer les esprits et d’exercer une fascination universelle.
En début d’année sortait un premier biopic consacré au « petit prince de la haute couture » : Jalil Lespert avait alors choisi d’axer son film sur l’histoire d’amour entre Yves Saint Laurent et Pierre Bergé. Quelques mois plus tard, Bertrand Bonello (L’Apollonide – souvenirs de la maison close) livre sa vision du couturier qui collectionna les scandales au même titre que les triomphes.
Moins « grand public » que la version de Lespert, Saint Laurent fait entrer le spectateur dans la tête d’un artiste torturé, en lutte contre ses démons. « Je voulais montrer ce que coûte à Saint Laurent d’être Saint Laurent » raconte Bonello.
Débauche et décadence, drogues et excès, lux[ur]e et vacuité… Au-delà du simple portrait, le réalisateur s’attache à dévoiler une atmosphère envoûtante, fantasmée ou réelle, où se croisent des muses oniriques (la charismatique Betty Catroux, interprétée par l’éblouissante Aymeline Valade, la truculente Loulou de la Falaise…), des femmes charmées, des amoureux redoutables.
Après une première partie passionnante où la créativité du couturier est magnifiée – le spectateur découvre les petites mains qui s’affairent dans les ateliers, où l’on veille au tombé du tissu, à la fluidité de la matière, à la simplicité de la coupe -, la seconde partie s’attache à la relation de Saint Laurent avec Jacques de Bascher, dandy sombre et mystérieux (insaisissable Louis Garrel). C’est alors que le récit – non chronologique – se fait ardu : les ellipses se multiplient, l’histoire devient confuse, les scènes insipides s’étirent jusqu’à l’ennui, et la crudité de certains plans s’avère vaine et fastidieuse.
On ne peut toutefois que saluer le travail de mise en scène de Bonello, qui a pris le parti de dessiner des nouveaux contours au biopic, plus audacieux voire romanesque que ce à quoi ces prédécesseurs nous ont habitués. Le cinéaste offre non seulement un rôle en or à Gaspard Ulliel, sensuel, complexe et tout bonnement magistral dans la peau du couturier, mais il signe un film d’une esthétique sublime où le moindre plan peut être interprété à l’infini...