A l’annonce d’une nouvelle adaptation au cinéma d’un écrit de la romancière à succès, Gillian Flynn, après l’excellent Gone Girl, les esprits se sont d’emblée échauffés. A tort, vraisemblablement, puisque Gilles Paquet-Brenner, tout français qu’il soit, ne s’appelle pas David Fincher et au surplus, parce que Dark Places n’est pas non plus Gone Girl. A la lecture du pitch, nous voici donc face à un thriller conventionnel, récit sombre et pour le moins saumâtre qui revient sur le massacre d’une famille une vingtaine d’année auparavant. Les deux survivants, une femme dévastées par l’évènement, ayant bâti son existence sur les retombées du drame, et un frère purgeant sa peine de prison car ayant été jugé coupable de l’odieux forfait, se retrouve par l’entremise d’une réouverture non-officielle de l’enquête à se reposer toutes les questions essentielles. Dans l’esprit, si rien n’est révolutionnaire ni même un tantinet innovant, le concept tient parfaitement la route, le succès du roman étant dû à la qualité d’écriture de Gillian Flynn.
Oui, mais voilà, au cinéma, Dark Places souffre d’une multitude de maux. En premier lieu, si le film s’appuie sur un écrit solide, le scénario, lui, n’est pas à la hauteur. Saccadée, passive, la narration foutraque prétérite fortement la bonne vision de l’œuvre, sautant d’une époque à une autre sans logique particulière, délaissant des personnages du présent pour les retrouver dans un passé pas franchement captivant, quand bien même la clé de l’histoire s’y trouve. Bien heureusement, le final, plutôt touchant sur le fond, rehausse le niveau et parviendrait presque à nous faire oublier que pour en arriver jusque-là, le chemin fût sincèrement laborieux. La seconde véritable faiblesse du film est sans conteste l’inexpérience de son metteur en scène, élève des grands maîtres anglo-saxons, qui pensait sans doute débarquer de sa France natale pour nous livrer un film immanquable du fait du succès de Gone Girl. C’est manqué. Oui, non seulement le réalisateur ne parvient pas à déroulé convenablement son scénario mais il manque aussi le coche techniquement, nous livrant une pellicule d’une timidité affligeante en rapport à l’exercice de bon nombre de cinéastes, David Fincher ou Denis Villeneuve en tête. Artistiquement pauvre, donc.
Alors qu’un casting, sur le papier, quatre voire cinq étoiles, s’acharne plus ou moins à donner corps à l’œuvre en question, les maladresses scénaristiques et techniques en font un film d’une banalité morose. Charlize Theron dans une composition difficile en regard à son vécu, ne semble pas avoir reçu les consignes adéquates, alors que les autres acteurs, eux, s’efforcent de ne pas sombrer dans le sommeil en attendant leurs tours, je pense notamment là à Nicholas Hoult dans un rôle d’une platitude notable. On notera aussi que le personnage de Ben, prétendument assassin monstrueux, détenus depuis maintenant 28 ans, ne fait montre d’aucune réaction face aux enchaînements qui contemple, prisonnier hagard et peu concerné par le visite de sa petite sœur qu’il n’a plus revu depuis. Coté sensations, émotions, il faudra donc repasser.
Voilà donc un échec artistique et narratif, s’appuyant pourtant sur un matériau solide. Devenu une norme malheureuse, le thriller sans âme entraîne ici avec lui quelques comédiens qui méritaient mieux, la renommée d’une romancière talentueuse et la considération toujours plus déclinante du public qui peut logiquement se plaindre d’un tel manque de passion. Oui, interprété, tourné et monté comme un téléfilm, on nous a pourtant vendu ce Dark Places comme un indispensable thriller. Cherchez l’erreur. 05/20